Chroniques de Philippe Curval

John D. MacDonald : Strip-tilt

(the Girl, the gold watch, and everything, 1962)

roman de Fantasy

chronique par Philippe Curval, 1964

par ailleurs :

On se souvient sans doute de Miss Shumway jette un sort de James Hadley Chase, qui fut la première et la seule incursion de la "Série noire" dans le domaine de la “fantaisie”, sinon du Fantastique. Strip-tilt renouvelle cet essai, avec la même réussite.

Chacun de nous s'est surpris un jour à rêvasser aux possibilités qui lui seraient offertes s'il devenait invisible ou invulnérable, impalpable à la rigueur ; John D. MacDonald s'est plu à concrétiser ce rêve schizophrène avec verve et ingéniosité.

Il faut attendre la page 122 pour que, brusquement, nous nous trouvions soudain plongés dans ce monde des désirs inassouvis et que nous fassions l'apprentissage de la toute-puissance. Ces pages préliminaires auraient pu être pénibles si MacDonald n'avait montré la même habileté à glisser son héros dans les pièges savants d'une intrigue bien menée qu'il avait su le faire dans ses précédents romans (les Énergumènes, entre autres). C'est au contraire encore plus satisfaisant pour le lecteur, intoxiqué par la "Série noire", habitué à ses règles précises, de pouvoir se libérer pour une fois du poids de la fatalité par des subterfuges que ne désavoueraient pas Fredric Brown ou Robert Sheckley [ 1 ] [ 2 ].

Kirby Winter hérite d'un oncle fabuleusement riche. Il s'avère que cet héritage est constitué par une vieille montre et une lettre qu'il recevra dans un an. Naturellement, des aventuriers de toutes sortes, les actionnaires des sociétés que contrôlait l'oncle, le fisc, la police accusent Kirby d'avoir détourné cet argent dont il ne reste plus trace. L'intrigue se noue rapidement et Winter, traqué par cette meute assoiffée d'or, se réfugie chez une amie de rencontre, la troublante Bonny Lee.

Je ne vous raconterai pas comment Kirby s'en sortira, ni quel est le secret de son merveilleux pouvoir, mais sachez que les 128 dernières pages sont fertiles en aventures baroques et en incidents cocasses. J'ajouterai que l'obsession sexuelle de John D. MacDonald ajoute à Strip-tilt un charme inédit qu'apprécieront les voyeurs intellectuels.