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Vous êtes ici : Quarante-Deux Archives stellaires Gérard Klein : à l'auteur inconnu 12

Gérard Klein

À l'auteur inconnu 12

Première parution : NLM 24, en instance depuis 1994…

Il convient aux hommes qui s'appliquent à l'étude des lettres, de donner quelque relâche à leur esprit, après de longues heures consacrées à des lectures sérieuses, et de le rendre par là plus vif à reprendre ses travaux. Toutefois ce repos ne leur sera profitable que s'ils s'appliquent à lire des œuvres qui ne les charment pas uniquement par un tour spirituel et une agréable simplicité, mais où l'on trouve la science jointe à l'imagination, comme on les rencontrera, je l'espère, dans ce livre.

Histoire véritable, Livre premier
Œuvres complètes de Lucien de Samosate
Traduction nouvelle d'Eugène Talbot
Hachette, 1874

Moi-même, cependant, entraîné par le désir de laisser un nom à la postérité, […], j'ai résolu, n'ayant rien de vrai à raconter, vu qu'il ne m'est arrivé aucune aventure digne d'intérêt, de me rabattre sur un mensonge beaucoup plus raisonnable que ceux des autres. Car n'y aurait-il dans mon livre pour toute vérité que l'aveu de mon mensonge, il me semble que j'échapperais au reproche adressé par moi aux autres narrateurs, en convenant que je ne dis pas un seul mot de vrai. Je vais donc raconter des faits que je n'ai jamais vus, des aventures qui ne me sont pas arrivées et que je ne tiens de personne ; j'y ajoute des choses qui n'existent nullement, et qui ne peuvent pas être ; il faut donc que les lecteurs n'en croient absolument rien.

Ejusdem farinæ

The willing suspension of disbelief
(la suspension librement consentie de l'incrédulité)

Coleridge

Les nuages les plus noirs ont toujours un liseré brillant ; cela prouve que le soleil existe.

Allocution de monsieur François Michelin
Rapport annuel Michelin, Exercice 1992

Notre intérêt va au bord vertigineux des choses.

Robert Browning

L'écrivain doit séduire.

Graham Greene
(En marge de la Condition humaine de Malraux)

Muse, inspire-moi. Tel Ulysse tiré vers les récifs par les chants mélodieux des sirènes, tel Enée se livrant au bouillonnement vineux de la mer traîtresse, tel Vasco s'élançant au-devant des deux caps de la terreur, j'affronte aujourd'hui les méandres, dédales et circonlocutions de la carrière de l'écrivain sans lequel, muse, souviens-t-en, tu serais réduite au silence.

Par carrière, je n'entends pas ici traiter des opportunités et des habiletés qui conduisent de la rue d'Ulm à l'Académie en passant par quelques prix, la Carrière et le rez-de-chaussée du Monde, dans le moindre temps possible. Mais beaucoup plus simplement de quelques attitudes qui permettent de survivre voire de prospérer dans le difficile métier d'écrivain en se conservant le plus de liberté. Car si l'objectif d'un écrivain véritable demeure d'écrire selon son cœur, il lui faut parfois, à défaut d'une sinécure ou d'une rente, tremper sa plume dans une encre mercenaire tout en conservant l'estime de ses lecteurs. Je me bornerai au champ du roman et de la Science-Fiction, la question des activités annexes, par exemple audiovisuelles, étant différentes.

La difficulté de l'exercice tient évidemment à ce que, ce faisant, je m'appuierai sur la trajectoire d'auteurs réels, pour ce que j'en connais, et que, dans la plupart des cas je ne pourrais pas citer leurs noms pour épargner leur modestie ou m'éviter leur foudre. Le lecteur pourra se livrer au jeu fascinant des clés.

Échapper aux tourbillons du Fleuve

La première idée est que l'écrivain, même populaire, est un artiste et que sa carrière ne se gère pas exactement comme celle d'un employé de la Sécurité sociale ou de la Poste, qui présentent du reste plus d'embûches qu'on ne croit communément. Or, on constate, tant à considérer les parutions qu'à écouter les uns et les autres, que pour nombre d'auteurs français, une collection, le Fleuve Noir, constitue l'horizon indépassable de leurs ambitions. Les raisons alléguées sont tout à fait claires : l'effort est mince ; la rigueur et la relecture ne sont pas indispensables ; l'acceptation, passé un certain cap, quasi-automatique ; la solde est mince mais régulière et donc prévisible ; la compétition faible ; et quelques aînés plus ou moins glorieux permettent de se leurrer sur l'éventualité d'une carrière brillante. Une expression tout à fait commune dans cette population industrieuse lorsqu'on l'interroge sur son devenir est : « Oh, je torche un fleuve… » et n'a, malgré ce qu'il pourrait en sembler, aucune connotation d'assainissement écologique.

Qu'on m'entende bien ! Je ne fais ici aucun reproche au Fleuve Noir, entreprise commerciale ancienne, durable et par bien des côtés éditorialement respectable. Mais par sa présence même, son abondance, son faible niveau d'exigence, il a fini par constituer une sorte de fonctionnariat de la Science-Fiction française, et par modeler son milieu en suscitant une espèce si hautement spécialisée qu'elle semble inadaptable ailleurs, l'auteur du Fleuve Noir. Les qualités historiques de la collection "Anticipation" sont évidentes. Par sa pure masse, elle a créé en son temps un style, à la fois de présentation — Ah, mânes de Brantonne — et de narration. Elle a permis à des auteurs jeunes et impécunieux de faire leurs premières armes et de commencer à gagner leur vie, à d'autres entre-deux-eaux de trouver une bouée, à de vieux auteurs de compléter une maigre retraite, à un semblant d'école française de SF populaire de se constituer, et sans doute à de nombreux adolescents de découvrir cette littérature [1].

Le problème commence lorsqu'un jeune auteur, parvenu à grimper dans ce berceau, le tient pour une situation, ne veut plus en sortir, n'en entrevoit même pas la nécessité. Plus il devient moins jeune, plus cette sorte de vocation par défaut s'affirme et mieux il s'apprête à devenir sans gloire un vieil auteur complétant une maigre retraite. Le Fleuve ayant dépassé son quarantième anniversaire, cette conjecture risque de passer du domaine de la prospective à celui de l'institution.

Or les problèmes que soulève cette forme d'installation sont nombreux, tant pour la SF française que pour les auteurs eux-mêmes. Un auteur qui se bornerait à cette production restreindrait considérablement ses possibilités d'évolution, ne se verrait l'objet de presque aucune critique ou compte rendu un tant soit peu stimulant voire gratifiant, et se trouverait toujours reconduit à aligner des textes consommables dénués de la moindre pérennité ; le nombre de romans publiés au Fleuve qui ont été ultérieurement réédités dans d'autres collections reste très faible. Le salaire modique de ses efforts n'est pas propice à l'accumulation primitive d'un capital qui lui permettrait d'envisager un projet de plus grande envergure. Le risque est donc grand que l'auteur produise à la chaîne titre après titre, sans grande attente, et sans espoir de reconnaissance, de gain, ou de pérennité. La notion même de pari qui est attachée à presque toute œuvre littéraire est ici presque entièrement absente. Et à aligner ses titres comme d'autres font des barres ou empilent des briques, l'auteur risque fort de se mettre à tirer à la ligne, de s'ennuyer, et de faire de même de son lecteur.

Un risque plus angoissant encore pour les auteurs concernés serait celui de la disparition du Fleuve ou de la collection Anticipation. Elle ne peut pas être écartée. Aucun fleuve n'est éternel, surtout dans l'édition. D'une part, nombre de collections du Fleuve ont cessé de paraître dans le passé, soit qu'elles aient relevé de genres obsolètes comme l'espionnage, soit que leur public ait décliné jusqu'à exclure tout équilibre comme la série "Angoisse". Le Fleuve lui même a bénéficié longtemps d'un mode de distribution dans les kiosques et les bibliothèques de gares qui a beaucoup reculé, et il n'est pas sûr qu'il trouve une diffusion équivalente dans les grandes surfaces. On peut se demander si l'audiovisuel et les jeux informatiques ne solliciteront pas de manière de plus en plus efficace ce type de public. Bref, si le Fleuve disparaît, et on a pu le craindre plusieurs fois, que deviendront les auteurs qui pratiquent sa stricte monoculture ?

Pour la SF française, les inconvénients ne sont pas moins grands. Si on néglige ici les auteurs qui sont en quelque sorte des candidats naturels au Fleuve Noir, on doit considérer que les autres, cherchant là gîte et pitance même congrues, et s'y trouvant contraints à des cadences de forçat, perdent jusqu'à l'envie de viser plus haut. Hors du Fleuve, de rares exceptions que leurs ailes de géant empêchent de ramer se mettent par esprit de contradiction à viser si haut qu'elles n'atteignent plus personne. Ainsi s'exacerbe l'opposition, typiquement française, entre un ru élitiste qui a toujours pour horizon son propre tarissement et un courant populaire qui décourage son public par le bas. Entre les deux, c'est-à-dire au moins quatre-vingts pour cent du marché dans les collections constituées, peu de monde, et parfois rien.

C'est une situation paradoxale et dangereuse qui ne me semble exister qu'en France et qui a pour effet de s'auto-entretenir : en effet, le lecteur qui souhaite un ouvrage de bonne facture et d'intérêt soutenu se voit régulièrement dissuadé de lire français, soit par le haut, soit par le bas. Il finit par en concevoir une rude méfiance à l'endroit de tout auteur français, si bien que celui qui s'efforcerait de le satisfaire doit déjà franchir cet obstacle-là. Je ne peux que constater et déplorer une étonnante propension de la Science-Fiction française à ne pas s'attacher un public. Tantôt trop politique, et naïvement, tantôt trop littéraire, et de même, tantôt trop ringarde, et là parfois roublarde, elle ne parvient pas à l'identité, et ne laisse surnager comme par accidents que quelques individualités qui n'en ont que plus de mérite. Le Fleuve présente un autre inconvénient qui est de pousser à une réduplication régressive, de la SF entée sur de la SF jusqu'à en devenir caricaturale, sans ressourcement ni renouvellement.

Bien entendu, comme pour tout problème social, il ne sert à rien, et il serait même impossible, d'incriminer des individus désignés. En ce sens, je prêche dans le désert. Mais le Fleuve Noir joue bien, sans l'avoir jamais cherché ni même sans que ses animateurs en aient eu jamais vraiment conscience, le rôle d'une structure, d'un attracteur nullement étrange, qui empêche une autre distribution statistique des talents et des œuvres d'apparaître. Et les individus pris dans ce système peuvent en prendre conscience et tenter d'y échapper. Ce n'est pas simple.

Une situation bloquée

Je voudrais en donner deux exemples.

Il y a plus de trois ans, un de mes jeunes et talentueux amis parvenait à convaincre, avec mon appui, un éditeur crédible de créer une collection de Science-Fiction “intermédiaire” et destinée à accueillir des auteurs français. L'idée était de proposer à des lecteurs non spécialisés des romans de Science-Fiction sans prétention littéraire et indubitablement commerciaux mais de bonne originalité et facture, de plus de 500 000 signes, comme il s'en traduit beaucoup de l'anglais. L'à-valoir était supérieur à deux fois celui d'un Fleuve Noir et l'espérance de gain équivalente à au moins trois ou quatre fois. Il y avait certitude d'une reprise dans une collection de livres de poche. Le prix de vente aurait été raisonnable, de l'ordre de 80 francs, en raison de l'absence de traduction. La périodicité devait être de quatre volumes par an.

Bref, la conception de cette collection nouvelle correspondait aussi exactement que possible, compte tenu des possibilités du marché, aux demandes des auteurs français, telles qu'elles ont été exprimées lors des conventions, dans de nombreux articles et entretiens publiés dans des bulletins et fanzines [2], et lors d'échanges privés. Une assez large publicité fut donnée à ce projet dans le milieu professionnel et il éveilla même la jalousie et l'ire d'au moins un éditeur ayant manqué de comprendre que la santé du genre passe par une diversification raisonnable de l'offre et par le développement des débouchés proposés aux auteurs français. Que croyez-vous qu'il arriva? Une ruée frénétique de manuscrits et de projets émanant des professionnels les plus aguerris? Vous errez. Au bout de deux ans et demi, il y avait trois manuscrits en lice, pas un de plus, dont l'un, écrit antérieurement, avait été soumis à tout hasard par un auteur confirmé. Les deux autres ne manquaient pas d'intérêt mais correspondaient mal au projet et demandaient au moins des remaniements auxquels les auteurs considérés se refusèrent sans contrat préalable. Je rends du reste hommage à ces deux auteurs qui ont au moins joué le jeu.

Certes, l'éditeur n'était pas disposé à s'engager sans voir. Il avait demandé, ce qui est assez compréhensible, avant de signer aucune lettre ou contrat, de lire au moins trois ou quatre manuscrits en état de paraître, et d'être assuré d'autant de projets. Au bout d'un an, il s'impatienta. Le seul manuscrit qu'il put lire était le préexistant qui ne convenait pas selon lui au lancement d'une telle collection, et il avait raison. Au bout de deux ans, il se désintéressa. Passé le cap des trois ans, il n'était évidemment plus question de lui parler de rien.

On peut comprendre l'hésitation de jeunes auteurs à s'engager sans contrat et sans avance. Cependant peu de chose la justifie vraiment. Il n'existe pas de précédent d'auteurs grugés dans une telle entreprise. Un auteur ayant satisfait au cahier des charges précité [3] pouvait d'autre part avoir la quasi-certitude de publier son roman, si le projet échouait, dans une des collections préexistantes : j'aurais accueilli un relatif haut de gamme quitte à en rabattre un peu sur mes prétentions ; Denoël et J'ai Lu auraient certainement été intéressés, et peut-être Presses Pocket. Un bon livre, même s'il n'est que de qualité moyenne, ne demeure pas orphelin.

Mais la raison alléguée à l'abstention de la plupart fut que c'était un “gros travail”, un "investissement", qu'on était sûr de rien, et que les auteurs pressentis n'en avaient ni les moyens ni le temps puisqu'ils étaient tout occupés à s'assurer un gain très inférieur mais plus immédiat « en torchant un fleuve ». On voit bien la fallacieuse “sécurité” du Fleuve fonctionner comme un frein dans l'esprit des auteurs. Il est à peine besoin de souligner qu'aux États-Unis, un projet comparable aurait suscité une avalanche de manuscrits et de propositions émanant de professionnels.

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Le second exemple est emprunté à mon expérience. J'ai sollicité pour "Ailleurs et demain", à plusieurs reprises, des auteurs confirmés dans des collections populaires en pensant que des conditions avantageuses leur permettrait de donner leur pleine mesure. Aucune de ces ouvertures n'a vraiment réussi. Ou bien je n'ai finalement rien reçu, ou bien j'ai reçu des “Fleuves” améliorés comme on dit des menus des casernes les jours de fête. Un auteur jadis prometteur, en tout cas abondant, ne m'a pas soumis moins de sept manuscrits dont je n'ai pu retenir qu'un, le premier je crois. Cet homme estimable, comme quelques autres, entendait apparemment profiter d'une aubaine sans faire plus d'effort que d'habitude. Je ne dis pas qu'il y avait calcul de sa part, mais plutôt une sorte d'incapacité à voir que les enjeux étaient autres. Le syndrome français pourrait se traduire par l'expression : "ça ira bien comme ça". En d'autres termes, « si je peux vendre trois fois le prix, un truc que j'ai écrit comme pour le Fleuve, tant mieux ; mais me défoncer davantage, ça jamais ! ».

J'avais espéré découvrir, ou susciter, un Philip K. Dick. On sait que celui-ci a commencé par publier des romans inégaux dans la collection à bas prix de Donald Wollheim, Ace Double. Mais dès qu'un éditeur plus ambitieux lui a ouvert ses portes, il a foncé. On pourrait également citer Robert Silverberg, John Brunner et bien d'autres. Ici, cela semble exclu, et je ne veux pas croire que ce soit, de manière générale, par défaut d'intelligence et de talent. Il n'y a aucune raison pour qu'il n'y ait pas, à proportion de la population, autant d'intelligence et de talent en France qu'aux États-Unis. Et qu'on ne me parle pas des contrats mirifiques offerts aux anglo-saxons dans leurs pays : les débutants et les auteurs qui ne rencontrent pas rapidement le succès sont beaucoup moins bien traités — je répète : moins bien traités — que leurs homologues en France.

J'ai essuyé une expérience corollaire dans le domaine de la nouvelle. Une lamentation répétitive des auteurs français concerne l'absence de revue et par suite de débouchés pour des nouvelles. Elle est en partie fondée et j'ai déjà indiqué ce que j'en pensais dans cette rubrique. Mais lorsque par deux fois, j'ai tenté de publier des recueils de nouvelles d'auteurs différents, sous l'argument assez large de l'utopie, j'ai rencontré l'échec. Michel Jeury avait accepté de s'en occuper en 1980, sans succès. J'ai refait une tentative en 1985 et je n'ai réussi à réunir que de quoi constituer un demi-volume qui n'aurait au demeurant été composé que de textes assez moyens, à une ou deux exceptions près. Denoël a fait la même expérience l'année suivante avec l'anthologie Demain les puces. La seule nouvelle composée pour le recueil était la mienne, celle de Philippe Curval venant du projet précédent.

Ces expériences sont décourageantes. Elles jettent une lumière très inquiétante sur la capacité du milieu professionnel français à assumer ses propres exigences. Elles expliquent en partie l'indifférence croissante de la plupart des éditeurs spécialisés à l'endroit de la production française. Contrairement à ce que j'entends fréquemment dire, la Science-Fiction française ne souffre pas d'une crise de la demande, de la faiblesse des débouchés, mais d'une crise de l'offre, de la rareté ou de l'absence d'œuvres répondant à l'attente légitime du public, celle d'un bon niveau moyen, sans parler de chefs-d'œuvre dont l'apparition est toujours aléatoire.

Comment en sortir?

Il existe pour un auteur travailleur et suffisamment doué plusieurs issues à ce piège.

La demande existe. Contrairement à une légende, mes collègues éditeurs et moi-même avons tout avantage à publier des romans français parce qu'ils n'entraînent pas de frais de traduction [4]. S'ils n'en publient pas, ou pas davantage, c'est parce qu'ils ne trouvent pas - ou pas assez - de manuscrits supportant la comparaison avec ce qu'ils font traduire. Il y a certes aussi la méfiance du public français mais elle est plus aisément surmontée qu'on ne croit.

Un petit nombre d'auteurs ont parfaitement saisi ces opportunités en s'évadant du Fleuve vers le haut, par exemple vers J'ai Lu, améliorant ainsi leur ordinaire. Mais il ne semble pas que le fait d'avoir gravi une marche les pousse de façon convaincante à poursuivre leur ascension. Ils se contentent du menu amélioré en espèrant en faire leur ordinaire. Tout se passe comme si les différentes collections définissaient des niches écologiques différentes, plus ou moins exigeantes et plus ou moins rentables. Certes, chacun finit par atteindre son niveau d'inefficience et je ne m'attends pas à ce que tous les auteurs réussissent à atteindre ou visent même l'Empyrée où je règne.

Mais on pourrait s'attendre à ce que dans un souci d'optimisation de leurs efforts, les auteurs essaient, qualitativement, d'explorer le plus de niches possibles. Cela ne paraît pas être le cas. Nombre d'entre eux semblent se définir inconsciemment un certain niveau d'exigence qu'ils ne tentent plus de dépasser. Ils essaieront bien, à l'occasion, de fourguer tel manuscrit qui leur semblera un peu mieux venu ou qui aura simplement été éconduit ailleurs, à ma collection ou peut-être à "Présence du futur", mais sans, semble-t-il, chercher à faire l'effort de la percée qualitative correspondante.

Au demeurant, la bonne solution ne consiste sans doute pas à rester dans la grille des quelques collections existantes ouvertes aux auteurs français. Sauf miracle toujours possible, l'espérance de gain et de notoriété y est étroitement définie. C'est donc ailleurs qu'il faut aller chercher le succès illimité. Or l'expérience montre premièrement que ça marche et secondement que cela n'est jamais tenté par les auteurs du domaine, comme s'ils se trouvaient englués dans le système. Une solution originale et hardie, retenue avec succès par Serge Brussolo, consiste certes à se constituer soi-même en genre comme firent Simenon, San Antonio ou Gérard de Villiers dans d'autres domaines. Mais elle est difficilement généralisable.

À la conquête du Grand Public

Je suis convaincu que le public français est aujourd'hui susceptible d'accueillir avec enthousiasme, comme il a souvent fait, un roman de Science-Fiction pourvu qu'il présente certaines caractéristiques. Il suffit de se souvenir du triomphe historique remporté par plusieurs des romans de René Barjavel et des succès considérables de la Planète des singes de Pierre Boulle et du Malevil de Robert Merle. Plus récemment, Bernard Werber a remporté un jackpot avec les Fourmis, redoublé avec le Jour des fourmis : on dit qu'il aurait dépassé les deux cent mille exemplaires pour ces deux livres honorables et que pour un troisième, les Thanatonautes, d'une insigne médiocrité et d'une écœurante vulgarité, il aurait atteint les cinquante mille exemplaires, sans doute sur la lancée des précédents. Plus modestement, Thierry Breton a remporté un score néanmoins confortable — avec, dit-on, l'aide d'un auteur réputé pour sa grande connaissance de la SF —, de l'ordre de trente à quarante mille exemplaires, hors poche, avec Softwar, Vatican III et Netwar. J'oublie certainement quelques autres exemples. Cela représente des droits allant de plus dix millions de francs à quelques centaines de milliers de francs. De quoi faire rêver!

On peut essayer de préciser les caractéristiques communes, voire nécessaires.

1) Ces ouvrages sont publiés hors collections spécialisées et sans le label SF. Ceci appelle plusieurs commentaires. Des traductions publiées dans des séries spécialisées ont connu un très grand succès [5] mais cela n'a jamais été le cas, sauf erreur de ma part, pour un roman français ; cette différence se comprend mieux si l'on considère la durée de vie et la lenteur à s'imposer des ouvrages dûment catalogués : il a fallu en général quinze à quarante ans aux “long-sellers” anglo-saxons concernés pour trouver leur place, au rythme lent du renouvellement des lecteurs de SF. Or, le passé correspondant ici, trop proche de la renaissance de la SF française après guerre, n'a probablement pas produit d'œuvres immortelles. D'autre part, les collections spécialisées et le label effraient peut-être le grand public qui seul assure le succès rapide des “best-sellers”. Ils l'effrayaient sûrement il y a vingt-cinq ans. C'est moins certain aujourd'hui, mais il est vraisemblable qu'une bonne partie du lectorat, notamment féminin et relativement âgé, redoute de ne rien comprendre à un roman dit explicitement de SF, faute de culture spécialisée. Il veut l'ivresse mais pas le flacon. L'absence du label le rassure peut-être mais sa présence l'inquiète certainement [6].

2) Les auteurs ne sont pas des spécialistes du domaine, même s'ils le sont devenus par récidive, comme Barjavel, et prennent même soin de s'en démarquer, comme Robert Merle, et tout récemment avec moins de vigueur, comme Werber. On peut penser que dans la plupart des cas ils l'ignoraient purement et simplement. Ils ont publié hors collection plus par inadvertance ou ignorance que par stratégie. Cette ignorance les rapproche du grand public mundane. Aucun ne semble avoir proposé son œuvre à une collection spécialisée soit parce qu'il n'y en avait pas (Barjavel), parce qu'ils n'en avaient pas besoin en raison de leur carrière antérieure (Merle, Boulle), ou qu'ils visaient une cible délibérée ("Best-Sellers" chez Laffont pour Breton). Cette innocence les distingue d'un auteur américain comme Michael Chrichton qui connaît bien le genre et se maintient délibérément à une distance confortable, assez près pour rafler ses lecteurs, assez loin pour ne pas inquiéter le mundane.

3) Ces ouvrages se situent tous dans le présent ou dans un avenir très proche, en contiguïté immédiate, jamais sur un autre monde. Leur structure très particulière, en quelque sorte archaïque, ne dépayse que très progressivement. Ce qui évidemment les déprécie aux yeux des lecteurs acculturés et les disqualifie comme modèles auprès des auteurs spécialisés.

4) Ils présentent tous une forte dimension instructive et/ou morale, relative à la science et à la technique. Barjavel, Boulle et Merle se réclament fortement de la tradition du conte philosophique, humaniste et anti-techniciste. Breton et Werber partagent une prétention pédagogique affirmée qui répond à la demande explicite et constante du public, "s'instruire en s'amusant" ou plutôt s'amuser sans culpabilité sous le prétexte d'apprendre quelque chose [7].

5) Ils sont construits autour d'une idée forte et simple, développée selon une problématique linéaire, qui ne demande pas des trésors d'imagination. Dans bien des cas, cette idée est puisée dans l'air du temps.

6) Écrits avec ou sans talent, ils ne s'embarrassent pas de sophistication littéraire. Leur technique narrative vise à l'efficacité par le moyen de la simplicité. Ils doivent se terminer plutôt bien. Il n'est pas nécessaire d'être un virtuose pour les produire. Il vaut probablement même mieux ne pas en être un.

7) Malgré leur apparente indéfinition, il s'agit bien de romans de SF et non pas, par exemple, de politique-fiction.

8) En général, ni énormes ni squelettiques, ils tournent autour des 800 000 à un million de signes.

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Ces caractéristiques, pour définir assez bien l'objet, ne doivent certes pas donner à penser que sa fabrication est aisée. Tout bon éditeur sait qu'un “best-seller” sirupeux n'est pas quelque chose de particulièrement complexe mais aussi qu'il n'y a pas de vraie recette. Cependant, dans le cas considéré, il est sans doute plus facile de cerner l'attente du public que dans celui d'une histoire de famille et d'amour déçu, voire de crime tordu, qui a déjà été traitée douze mille fois et qui ne se singularisera aux yeux du public que par une originalité infinitésimale dont le succès est très peu prévisible. De même l'écriture [8] a sans doute moins d'importance ici parce qu'elle disparaît en partie derrière la supposée nouveauté du sujet — pour le grand public.

De la pusillanimité

Il ressort de tout cela qu'il semblerait possible, et même relativement aisé, à un écrivain expérimenté, doté comme il se doit d'une certaine culture scientifique et incliné à la détection des faits porteurs d'avenir, de produire un tel ouvrage sans engager un génie particulier. Il en ressort d'autre part une des plus grandes énigmes de l'univers : pourquoi des auteurs français de SF qui se plaignent de manquer de débouchés et de mal arrondir leurs fins de mois ne se sont-ils jamais lancés dans cette entreprise? Je ne conseillerai certes pas à un débutant, même déjà publié, de s'y risquer encore que l'exemple de Werber indique que cela peut marcher [9]. Mais il existe dans ce pays au moins une demi-douzaine d'écrivains aguerris de SF, ayant à leur actif une dizaine de romans, qui devraient logiquement satisfaire le cahier des charges. Aucun à ma connaissance ne l'a jamais tenté.

On peut évoquer plusieurs hypothèses pour expliquer cette surprenante timidité : l'excès d'ambition littéraire qui les empêcherait de se commettre dans une production commerciale : mais le parcours de la plupart permet d'écarter cette hypothèse idéaliste ; leur défaut d'ambition ou de confiance en eux qui les dissuaderait de s'exposer hors du terrain balisé ; le manque de véritable curiosité scientifique et technique certes patent chez certains d'entre eux ; le gabarit de tels ouvrages pour lequel ils manqueraient de souffle ; leur trop bonne connaissance du genre qui les empêcherait de retrouver la naïveté dont j'ai souligné qu'elle constituait un facteur nécessaire du succès. Mais aucune de ces raisons, sauf la première, ne semble pouvoir résister à un effort délibéré et soutenu.

J'ai abordé au cours des dernières années la question avec deux ou trois des auteurs apparemment les mieux placés. En dernière analyse, leur réticence ou leur refus se ramenaient à une considération principale : manque de temps parce que manque d'argent pour “investir”, refus du "risque".

Je dois dire que j'éprouve de grandes difficultés à accepter ces arguments. D'une part, ces auteurs ont connu à un moment ou à un autre des périodes fastes où ils disposaient au moins apparemment d'une liberté suffisante. D'autre part, dans le cadre d'un projet à long terme, il est possible de dégager progressivement un capital temps et argent suffisant pour les six mois ou l'année nécessaire à une telle entreprise à laquelle plusieurs éditeurs, compte tenu de leur notoriété, ne seraient sans doute pas insensibles. Je n'arrive pas à imaginer une situation où ils seraient réellement perdants. Comme je l'ai déjà souligné, un raisonnablement bon livre trouve toujours preneur. En cas de succès, même modéré, le gain financier et de notoriété serait tel qu'ils en tireraient une liberté de quelques années et la possibilité de revenir à de plus grandes ambitions. En d'autres termes, ce pari pascalien ne peut pas échouer pourvu qu'il soit convenablement conduit.

Évidemment, il faut que le livre soit suffisamment bon. Cela représente une certaine somme de travail et d'attention au résultat ainsi qu'une réflexion sur l'attente et le goût du public. Je ne vois rien là-dedans d'insurmontable. Au surplus, pour un bon écrivain, c'est loin d'être une tâche répugnante. Il peut tout à fait prendre plaisir à construire une bonne intrigue et lâcher de temps en temps la bride à l'inspiration. Un esthète sourcilleux pourra même considérer qu'une telle entreprise procède de l'art sociologique et critique et lui permet d'échapper à la naïveté romantique de l'écriture inspirée. Comprendre ce qui retient le lecteur, à partir de quoi une fiction fonctionne et expérimenter concrètement peut être une tâche aussi intéressante qu'intéressée. Ceci est très important.

On m'objectera certes que si c'est si facile, un grand nombre d'écrivains de littérature générale qui disposent d'une expérience acquise à coup de romans annuels, devraient faire le même choix. Mais leur problème n'est pas qu'ils ne sauraient pas rédiger ce genre de roman, c'est qu'ils n'en ont pas l'idée, ni la capacité de soutenir un thème un tant soit peu scientifique. Un auteur de SF dispose sur eux, de ce point de vue d'un avantage immense.

Tous ne réussiront certes pas dans cette entreprise mais si, pour une fois, un auteur de SF française y parvenait, outre le bénéfice personnel qu'il en tirerait, c'est tout le domaine qui en serait conforté.

Un investissement rentable

Or un suffisamment bon roman, qu'il ait été écrit en vue d'une collection ou à l'intention du Grand Public, se révèle toujours de surcroît un bon investissement même s'il a fallu lui consacrer plus de temps et d'efforts qu'à un ouvrage bâclé. De quelque point de vue qu'on se place, il y a toujours avantage à écrire un meilleur livre. Même s'il n'a pas un succès immédiat, il aura toutes les chances de bénéficier de rééditions et de poursuivre sa carrière sur la longue période. Un auteur en train d'écrire un livre ne devrait pas songer seulement à son destin immédiat, mais à son avenir à plus long terme. Il ne s'agit pas ici de songer à la postérité, encore qu'on ne sait jamais, mais de réfléchir à une exploitation prolongée. Or le domaine de la SF assure dans ce domaine plus de prévisibilité que la littérature générale. Pour celle-là, de grands livres assurent certes une rente durable à leurs auteurs, mais l'incertitude est très grande en raison de l'évolution des modes, de l'intensité de la concurrence, de l'importance de la prescription scolaire. La SF, en revanche, est encore en train se constituer sa bibliothèque de classiques et il demeure relativement facile de s'y assurer une certaine pérennité.

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Cette pérennité exige toutefois de l'auteur une qualité supplémentaire, la constance dans la qualité, c'est-à-dire dans la satisfaction des lecteurs. C'est un aspect de la carrière littéraire dont la plupart des auteurs français de SF semblent se soucier comme d'une petite cerise. Balançant entre l'intégrité ambitieuse et le mercenariat de la plume, ils renoncent rarement à commettre, ou à laisser reparaître, un ouvrage de troisième ordre. Je comprends très bien qu'ils ont toujours de pressantes raisons financières pour le faire. Malheureusement, ils compromettent en même temps leur avenir : un lecteur déçu est très difficile à rattraper. Si sa déception est allée jusqu'à l'impression d'avoir été escroqué, la pente est presqu'impossible à remonter.

Les éditeurs et les auteurs attentifs savent qu'il y a trois étapes dans la carrière d'un écrivain : celle des débuts où il s'agit tout simplement d'exister et où le livre est tout ; celle de la reconnaissance, où le livre sera acheté sur le nom de son auteur et sur son contenu ; celle de la mythification, qui peut être très locale mais à partir de laquelle on peut commencer à envisager de publier les mémos d'épicerie de l'auteur. Le problème essentiel d'un auteur est de se mettre à exister en tant que nom et de maintenir ce statut, de passer un contrat implicite avec le public. Pour ce faire, il vaut mieux se taire que risquer de décevoir. L'image d'un auteur ne doit jamais se trouver détériorée, le charme ne doit pas être rompu. Même d'un point de vue strictement économique, en actualisant sur la longue période, un ouvrage médiocre, même rémunéré, peut entraîner une perte nette. En cas de nécessité, une solution acceptable peut consister à adopter un pseudonyme. Les lecteurs ne s'y tromperont pas longtemps, mais ils n'auront pas le sentiment d'avoir été trompés.

Les quatre Lois

En résumé, je peux ramener cette rubrique à quelques propositions encourageantes:

À tous, je recommande de lire le livre X, à partir du chapitre 3, de l'Institution oratoire de Quintilien, qui, quoiqu'ayant été écrite principalement pour des avocats, contient d'utiles conseils aux écrivains.

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Mes exhortations à ne pas hésiter à sortir du domaine balisé de la SF française ne doivent surtout pas être considérées comme un ralliement à la position de ceux qui souhaiteraient faire éclater les murs du prétendu ghetto, et abolir toute distinction entre SF et littérature générale. On sait ce que j'en pense : la distinction entre SF et littérature générale est de structure et non de convention ; au demeurant, la littérature générale n'existe plus à proprement parler ; les auteurs de SF qui se laisseraient prendre aux chants des sirènes critiques feraient un marché de dupes : ils perdraient leur public sans rien obtenir en retour. Quelques exemples récents, dont celui d'Antoine Volodine, devraient convaincre les derniers sceptiques.

Ce que je suggère, c'est d'écrire un roman à destination du Grand Public, un best-seller, appartenant à une espèce littéraire aussi distincte de la mythique littérature générale que la SF mais pouvant inclure les valeurs et les messages de cette dernière. Cette entreprise, à partir du moment ou elle est consciente et délibérée peut constituer un nouveau type d'art littéraire.

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Cette longue rubrique parachève ce que je pense pouvoir dire de sensé à l'auteur inconnu. Considérez donc cette chronique comme close. Parce que je l'avais promis, je consacrerai un codicille à la traduction. Puis, si NLM me le permet, je me tournerai désormais à travers une nouvelle série vers un thème qui correspond mieux à mon inclination, la théorie de la Science-Fiction. Depuis plusieurs mois, voire quelques années, nombre d'ouvrages remarquables me sollicitent. Il est temps de retourner dans la caverne et de saisir l'ombre pour la proie. Mais si l'actualité se présentait, ou si un auteur m'en pressait, je reviendrai volontiers à ces conseils sans doute maladroits mais sûrement sincères.

Notes

[1] Je ne m'adresse évidemment ici ni aux auteurs qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas franchir ses bords, ni à ceux qui en ont parfaitement maîtrisé la navigation, comme naguère G.J. Arnaud avec sa célèbre Compagnie des glaces.

[2] Voir en particulier le dossier "Quel avenir pour la Science-Fiction française?" dans Planète à vendre 11 et 12, juin-juillet et août-septembre 1992.

[3] Je dois préciser qu'aucun des trois manuscrits n'y correspondait complètement bien qu'il ait été minimaliste.

[4] Je puis en passant aborder un reproche qui m'a été fait plusieurs fois : c'est de proposer, comme tous les autres éditeurs, un à-valoir généralement inférieur au coût d'une traduction. La raison de cette différence de traitement est simple : la traduction est un métier alors que la littérature est une aventure, y compris au sens économique du terme. Les traducteurs ne travaillent pas pour leur plaisir même s'ils peuvent y prendre du plaisir ; si les éditeurs ne leur donnaient pas une rémunération convenable, ils ne traduiraient évidemment pas sauf dans les cas très particuliers de la poésie ou d'ouvrages scientifiques traduits par des universitaires dans le cadre de leurs travaux. Mais en retour, un auteur, associé de l'éditeur dans la production de son livre, peut en espérer un profit auquel le traducteur n'a pas droit. Un auteur à succès peut également recevoir un à-valoir très supérieur à la rémunération d'un traducteur.

[5] À titre d'exemple, toutes éditions confondues, les Chroniques Martiennes ont probablement dépassé le million d'exemplaires, le Monde du Ā et Dune largement dépassé les cinq cent mille exemplaires.

[6] Ce qui ne signifie pas qu'il faille y renoncer : il y a probablement deux publics, l'un acculturé, l'autre non ou qui croit ne pas l'être et qui redoute de tomber sur un texte ésotérique. On ne peut sans doute pas écrire dans le domaine de la SF quelque chose de réellement novateur sans s'adresser au public acculturé au travers des collections spécialisées, mais on ne peut pas non plus espérer y obtenir une audience nationale. On peut faire cette observation dans tous les domaines de la littérature.

[7] "Comprendre le monde moderne" était déjà la motivation avouée de beaucoup de lecteurs de romans d'espionnage.

[8] Chacun sait qu'il y a un ton Guy des Cars, qui est méprisé par certains mais qui est pour d'autres d'une saveur inimitable.

[9] Il était certes porté par sa passion et sa connaissance réelle des fourmis. L'assimilation hâtive d'une documentation boiteuse dans les Thanatonautes a clairement indiqué ses limites.