Carnet de Philippe Curval, catégorie Cinéma

Andrew Niccol : Time out

(In time, 2011)

long-métrage de Science-Fiction

Philippe Curval, billet du 1er décembre 2011

par ailleurs :
Le temps c'est de l'argent
 

Quelle différence y a-t-il entre un poisson rouge et un cornichon ? Aucune, tous les deux sont dans un bocal. C'est par cet aphorisme idiot que je commencerai à propos de Time out d'Andrew Niccol qui se projette actuellement sur nos écrans, dont le titre original est In time.

Pourquoi cette traduction à l'usage des spectateurs français ? Seul le distributeur en a la clé.

La deuxième question serait : quelle différence y a-t-il entre un film de Science-Fiction et un film de Science-Fiction ? La réponse se trouve dans les urnes. Pourquoi, par exemple, Inception de Christopher Nolan a-t-il reçu un accueil faramineux de la part du public, tandis que Passé virtuel de Josef Rusnak est demeuré inaperçu, qu'il est mal coté dans la plupart des magazines TV, alors que son scénario est issu de l'un des chefs-d'œuvre de Daniel Galouye paru en 1964, Simulacron 3 ? Or, tous deux sont des films aux données spéculatives complexes.

Le plus simple serait de considérer qu'un blockbuster sorti dans des centaines de salles, accompagné d'une promo à damner, est plus apte à attirer la clientèle qu'une modeste production projetée une semaine ou deux dans quelques cinémas périphériques. Ce n'est pas toujours le cas. L'autre solution consiste à avancer qu'un film truffé de poursuites, de bagarres, d'effets spéciaux a plus de chance de rencontrer le succès qu'un film ingénieux aux mécanismes délicats ? Heureusement, je connais des exceptions.

Mais je me pose une troisième question : pourquoi Andrew Niccol, qui a réalisé une œuvre aussi réfléchie que Bienvenue à Gattacca, qui est l'auteur du scénario de the Truman show, a-t-il gâché une aussi bonne idée que celle de Time out en la transformant en une cavalcade aussi absurde que vaine ?

Soit un sujet subtil : d'audacieux biologistes ont bloqué l'évolution humaine à vingt-quatre ans. À partir de cet âge, l'entropie cesse ses ravages. Personne ne change de corps ni de visage. Tatoué lumineusement sur son bras, chacun connaît la durée de sa vie. Mais pour acquérir des années supplémentaires, voire l'immortalité, il faut travailler pour gagner du temps, le voler, ou le capitaliser.

D'où une parabole simpliste entre les pauvres qui marnent dans le ghetto pour survivre au jour le jour et les riches qui disposent de millions d'années enfermées dans un coffre à New Greenwich. Entre les deux, le héros qui hérite d'une centaine d'années de la part d'un riche blasé qui se suicide. La morale devient active. Il faut sauver le soldat Ryan ! C'est-à-dire abolir à jamais cette malédiction qui pèserait sur l'Homme de demain, vivre des centaines d'années dans de bonnes conditions. Dieu ne l'a pas voulu !

Niccol décide de saborder ce passionnant sujet sur l'immortalité qui aurait pu donner lieu à d'audacieux développements sentimentaux, philosophiques, économiques, religieux, sociologiques, sportifs, artistiques, etc. Il en résulte une rebondissante course-poursuite pour gagner des minutes de vie, arbitrée par les voleurs et la police du temps. Sans qu'on sache à la fin ce qu'il en résulte vraiment.

Pour noyer le poisson du bocal et le transformer en cornichon.

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