Carnet de Philippe Curval, catégorie Général

Baby flop

Philippe Curval, billet du 5 mai 2005

Le problème des bébés est devenu incohérent. Parallèlement, en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, de gigantesques campagnes sont entamées pour freiner la surpopulation, tandis qu'en Europe, en Amérique du Nord, on ne sait plus quoi inventer pour inciter à créer des enfants. C'est un fait indiscutable, notre PIBB européen, le produit intérieur brut de bébés est en régression. Les choses ont bien changé depuis quarante ans, ou après le baby-boom, un vidéaste réputé en passait symboliquement à la moulinette. Aujourd'hui, il faut avaler la pilule, l'homme accepte bien de donner sa semence, oui, un certain nombre de femmes ne veut plus la recevoir, non. Tout au moins sous forme de paquet cadeau qu'il faut porter neuf mois dans son ventre.

Alors deux solutions s'offrent, de la gauche à la droite, pour palier le vieillissement de notre cheptel de travailleurs. Importer massivement des bébés de pays en voie de développement pour les développer nous-mêmes ; pas les pays, les bébés, naturellement. Ou bien les produire par d'autres systèmes que ceux pratiqués depuis la plus haute antiquité.

Plusieurs idées neuves sont proposées. Parmi les plus primitives, il y a la possibilité de faire porter son bébé par une autre ; c'est une sorte d'esclavage affectif prévu par nos auteurs de SF depuis des décennies. Parmi les plus récentes, il y a le bébé-éprouvette, qui n'est rien d'autre qu'un OGM sur pied ; tout récemment, nous venons de voir apparaître le bébé surgelé, dont la commercialisation ne fait pas l'unanimité. Et bientôt, je l'espère, le bébé lyophilisé, en vente dans les supermarchés.

Mais la vraie solution n'est pas trouvée tant qu'on ne parviendra pas à faire évoluer le fœtus tout seul comme un grand dans son bocal. Ce qui soulève, paraît-il, un problème éthique que Benoît XVI ne manquera pas de vouer aux gémonies. Sans compter ceux qui prétendent conserver des droits d'auteur sur leur sperme après leur mort, ou qui jugent odieuse la manipulation génétique d'embryons. La plupart se rabattent sur le marché non équitable d'enfants abandonnés. Autant d'arguments théologiques, philosophiques ou simplement racistes dont je ne vois personnellement pas l'intérêt.

Le métissage est la seule forme d'évolution radicalement efficace pour l'être humain. Alors importons, exportons des bébés, mélangeons des embryons dans un bocal planétaire. ADN signifiera Assemblage Des Nations. Lorsque tous les types d'humanité seront confondus, Einstein pourra être un cocktail d'irlandais, de bantou, de canaque et d'australien. Tout le monde s'en foutra, c'est le cas de le dire.

Parallèlement à ces recherches scientifiques hautement sophistiquées, au Pakistan, un élu local, riche propriétaire terrien de Nawabapur, a ordonné de couper les doigts, briser les jambes et les bras d'un homme qui avait emprunté le sperme d'un autre pour féconder sa femme, puis il a fait défiler celle-ci et son bébé, nus, dans un bazar. Après ça, qu'on ne remette plus en cause la réalité des univers parallèles. Ce choc mental entre la barbarie authentique et la spéculation génétique, c'est aussi ça, la Science-Fiction.

Commentaires

  1. Nellemardi 10 mai 2005, 21:25

    « Le métissage est la seule forme d'évolution radicalement efficace pour l'être humain. »

    Absolument d'accord avec toi. Chaque fois que je vois un enfant "mélangé" (en plus, ils sont souvent plus beaux que les "pure race"), je pense : Voici un membre de l'Humanité du futur. Mais en attendant ce futur hypothétique, ça risque d'être dur pour certains d'entre eux.

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