Carnet d'Ellen Herzfeld, catégorie Lectures

Jack McDevitt : Echo

roman de Science-Fiction inédit en français, 2010

Ellen Herzfeld, billet du 2 février 2011

par ailleurs :

Echo est le cinquième livre dans la série de McDevitt qui raconte les aventures de l'antiquaire-archéologue Alex Benedict et de son assistante-pilote Chase Kolpath.(1) Manifestement, l'auteur a trouvé un filon qu'il exploite avec allégresse. Il y a toujours un mystère à élucider, souvent initié par un objet ancien ou inconnu. Pour résoudre l'énigme, Chase et Alex doivent se déplacer à travers la galaxie, parfois en prenant de gros risques, et ce qu'ils découvrent apporte en général des informations nouvelles sur le passé plus ou moins ancien de l'Humanité.

Cette fois-ci, l'affaire est lancée lorsque Chase tombe par hasard sur une petite annonce qui propose gratuitement, à qui voudra se donner la peine de l'emporter, une sorte de stèle en pierre, d'apparence ancienne, portant des inscriptions dans une langue inconnue. Mais avant qu'elle n'ait eu le temps d'aller le chercher, l'objet est embarqué par quelqu'un d'autre. Intrigués, nos deux amis entreprennent de le retrouver pour pouvoir au moins l'examiner.

Ils découvrent ainsi que la pierre appartenait à un certain Somerset Tuttle, mort depuis près de trente ans, qui avait consacré sa vie à la recherche d'extraterrestres autres que les Ashiyyurs, rencontrés plusieurs fois dans les épisodes précédents, en particulier dans the Devil's eye. C'était un excentrique, connu surtout pour son obstination à poursuivre cette quête que beaucoup estiment vaine, convaincus qu'ils sont qu'en dehors des Humains et de leurs multiples colonies, certaines perdues et oubliées, et des Ashiyyurs, il n'y a rien à trouver nulle part. Néanmoins, pour des raisons inconnues, Tuttle avait pris sa retraite prématurément et était mort peu de temps après.

La stèle a été récupérée par Rachel Bannister, une ancienne pilote et amie de Tuttle. Elle avait, bizarrement, abandonné son métier à peu près à l'époque où Tuttle cessait ses recherches. Interrogée par Alex, elle prétend avoir fait jeter la pierre dans la rivière, mais ses explications sont peu convaincantes. Elle se montre particulièrement peu disposée à répondre à leurs questions, ce qui ne fait, bien évidemment, qu'attiser leur curiosité. Alex et Chase se mettent donc à enquêter sérieusement sur tout ce qui tourne autour de Tuttle et de Bannister. Ils fouillent les archives, rencontrent des gens qui ont pu les connaître à l'époque, et découvrent ainsi peu à peu un faisceau d'éléments qui laissent penser qu'il s'est passé quelque chose de grave il y a une trentaine d'années, quelque chose qui a marqué de façon indélébile la vie d'un certain nombre de personnes, toutes plus réticentes les unes que les autres à s'étendre sur le sujet. Alex pense qu'en fait Tuttle a trouvé trace d'une civilisation extraterrestre inconnue et qu'il a, de manière inexplicable, caché sa découverte. De même, ils n'arrivent pas à comprendre l'attitude étrange de ceux qui ont été au contact de Tuttle et de Bannister au moment des événements supposés. S'y ajoutent rapidement quelques tentatives d'assassinat d'allure professionnelle qui rendent la poursuite de leurs recherches de plus en plus dangereuse.

À la fin, tout est expliqué, et on comprend pourquoi la découverte — car découverte d'une civilisation il y a bien eu — a été tue par tous ceux qui en avaient eu connaissance. Il y a de plus une surprise finale qui n'est qu'une cerise sur le gâteau, mais que j'avais devinée bien avant. Je n'en dis pas plus pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur futur.

Donc, au total, une enquête intéressante et bien ficelée qui, comme les fois précédentes, est l'occasion de visiter des coins inconnus de la galaxie et de rencontrer une brochette variée de plus ou moins gentils et de plus ou moins méchants. Tout au long du roman, on trouve des passages qui décrivent une ambiance bien vue de tristesse devant le vide apparent de notre vaste univers, au point que l'esprit de découverte des Humains semble s'être en grande partie atrophié. Les possibilités techniques qui permettent de parcourir des années-lumière en quelques semaines ne servent plus qu'à faire des allers-retours sans surprises pour transporter marchandises et voyageurs sur des parcours balisés. S'il s'agit d'aller dans des zones inexplorées, ce n'est jamais que pour vérifier rapidement qu'on peut y amener sans danger quelques touristes huppés pour une croisière de luxe, où ils seront plus occupés à festoyer qu'à visiter.

Malgré le côté indiscutablement agréable et distrayant de l'histoire, j'ai eu quelques problèmes de dissonance assez sérieux en cours de lecture, surtout pendant les passages plus lents lorsque je n'étais pas prise par l'action. Premièrement, où est passée la relativité ? Alex et Chase vivent apparemment à une époque située à plusieurs milliers d'années dans l'avenir. Le voyage et la transmission de messages plus vite que la lumière sont des acquis de longue date. Il n'y a jamais aucune explication, ce qui peut se comprendre, car il n'est guère utile d'entrer dans le détail du fonctionnement d'un moteur à combustion dans un roman situé à notre époque. Mais ce qui me gêne, c'est qu'il n'y a apparemment pas plus de conséquences en rapport avec la relativité qu'il y en a pour des voyages sur Terre aujourd'hui. Là, j'ai quand même du mal. Il y a, me semble-t-il, de la place entre des textes de hard science pur jus où les lois de la physique telle que nous la connaissons sont respectées au maximum — donc c est la limite ultime — et l'attitude qui consiste à esquiver complètement le problème, comme le fait McDevitt ici. Stephen Baxter et Charles Stross ont besoin, pour certaines de leurs histoires, du voyage supraluminique, mais ils arrivent habilement à sauvegarder et la chèvre et le chou.

Je passe rapidement sur le fait que les gens vivent plusieurs centaines d'années, au moins deux cents, mais on ne voit guère d'impact sur la structure de la société.

Mais le plus dur à avaler pour moi, c'est le fait qu'en sept ou huit mille ans (ce n'est jamais dit clairement, mais c'est au moins ça), beaucoup de choses de la vie courante n'ont quasiment pas changé : les gens lisent des livres en papier, vont dans des restaurants et des boîtes de nuit qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à ce qu'on connaît maintenant. Il y a toujours un “web”, des talk shows sur une télé qui est apparemment plus ou moins en 3D ou holographique, mais c'est tout, le fond étant toujours le même. Et j'en passe. On visite un village qui a une église et une synagogue. Pourquoi uniquement ces deux-là ? Et pas un mot de l'évolution des religions. Et ainsi de suite. J'ai eu un peu la même impression qu'en lisant je ne me souviens plus quel texte(2) qui se passe dans des milliers d'années et où l'utilisateur doit taper F1 sur le clavier de son ordinateur pour obtenir de l'aide… À l'époque, j'avais ouvert des yeux ronds… était-ce vraiment possible d'écrire ça ? Manifestement, oui.

Tout cela est en contraste extrême avec d'autres livres que j'ai lus ces dernières années (the Golden age de John C. Wright, et Accelerando de Charles Stross en particulier) où, au contraire, le lecteur se prend le choc du futur de plein fouet avec un monde et une histoire tellement “autres” qu'ils en deviennent difficiles à comprendre, ou bien tellement éloignés de notre vécu qu'il n'est plus possible de s'identifier aux protagonistes, quand ce n'est pas les deux à la fois. Finalement, j'ai l'impression que l'écriture d'une Science-Fiction située dans l'avenir un peu lointain est un art très exigeant où toute la difficulté est de trouver un équilibre intellectuellement et esthétiquement satisfaisant entre le trop étrange, trop différent, et le pas assez. Mais pour dire vrai, si je préfère évidemment quand cet équilibre est trouvé, ce qui arrive tout de même souvent, quand il s'agit de lire pour le plaisir et la détente, la solution, que l'appellerais de facilité, m'est tout à fait acceptable. Ce qui veut dire que, malgré ces réserves, j'ai bien aimé ce roman sans prétention, que je pardonne à McDevitt ce que je considère comme de petites fausses notes, et que je lirai certainement, dès sa sortie, la suite des aventures d'Alex et de Chase dans le roman Firebird, qu'il vient de terminer.


  1. Après a Talent for war, Polaris, Seeker & the Devil's eye.
  2. En fait si, je me souviens quand même : c'est dans une nouvelle d'Ayerdhal au sommaire de l'anthologie Genèse

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