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Keep Watching the Skies! nº 2, novembre 1992

Walter Jon Williams : Facets

recueil de Science-Fiction inédit en français ~ chroniqué par Pascal J. Thomas

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Suiveur tardif du cyberpunk, peut-être rénovateur de la S.-F. à la Galaxy, Walter Jon Williams s'offre le luxe d'ouvrir son premier recueil de nouvelles par une introduction de Roger Zelazny, qui vante le talent et la flexibilité de notre homme. Zelazny, rappelons-le, a servi d'inspiration lointaine aux cyberpunks en général pour la nervosité de son écriture à ses débuts, et plus particulièrement à Walter Jon Williams dont le premier roman de S.-F. [1], Câblé, était très fortement inspiré par les Culbuteurs de l'enfer [*].

Rassurez-vous : la seule moto que l'on trouvera dans ce livre est chevauchée à Los Angeles, dans un futur proche, par une malheureuse star du rock ("the Bob Dylan solution"). Mais ce futur est assez proche de notre présent pour que le rock y soit un pur enjeu économique, entre les mains d'hommes d'affaires sans scrupules. Tout aussi dénués de scrupules que les cadres de l'industrie pharmaceutique dans "Side effects", située dans un futur dont les dates ne le distinguent pas de notre présent. Seul un fait peu ordinaire l'entraîne sur le terrain de la S.-F., sinon ce serait de l'excellente politique-fiction.

Williams peut nous emmener dans les profondeurs de l'espace et du temps ("Dinosaurs", "Surfacing", "Flatline"), dans les siècles prochains ("Video star", "Wolf time"), voire dans des histoires parallèles ("No spot of ground", "Witness"), le manque de compassion, le côté impitoyable fournissent un point commun à tous ses récits. C'est inhérent à l'univers décrit dans "Video star" et "Wolf time", qui sont essentiellement des histoires policières transposées dans un système solaire où compagnies véreuses et gangs de trafiquants sont simplement plus puissants et mieux armés, et la trahison un fait de la vie quotidienne. L'existence d'une industrie mineure qui utilise les visages des criminels célèbres pour des films d'action violente réalisés en images de synthèse est une addition distrayante, mais pas essentielle à ces textes qui confortent l'image de Williams comme un sous-cyberpunk.

Heureusement, il est capable de bien autre chose. "Dinosaurs" met face à face deux systèmes totalement incompatibles, et ce sont les humains — dans quelques millions d'années à venir — qui, transformés par l'évolution, sont les moins compréhensibles pour nous. Dans Galaxy, le mode aurait été satirique et ironique ; ici il est devenu tragique, et seule la soumission à la puissance permettrait le salut.

Pourtant ce recueil ne manque pas de personnages de révoltés — ça tourne parfois au cliché : la révolte intérieure, ou occasionnelle, combinée à un travail mercenaire, le tout servi par une armure de cynisme, qui reflète l'armure physique utilisée par la protagoniste de "Wolf time". Mais leur révolte ne débouche sur un aucun espoir ; ce trait est forcé jusqu'à la caricature dans "Flatline" — à laquelle on pourrait donner un titre plus explicite comme "les Ratés", ou "les Laissés pour compte".

En fin de compte, les textes les plus intéressants se situent dans des histoires parallèles ; Edgar Allan Poe est un officier sudiste dans "No spot of ground", ce n'est pas absolument nouveau, mais j'ai adoré le portrait déformé du Maccarthysme donné dans "Witness", situé dans l'univers de bande dessinée de la série d'anthologies partagées Wild cards (le texte de Williams était le plus réussi du premier volume).

Prolifique et varié dans sa production, Walter Jon Williams s'est taillé une place au soleil de S.-F. Il n'a pas encore donné d'œuvre de premier rang, et ce volume d'histoires, s'il démontre sa compétence, ne permet pas de crier au génie.

Notes

[1] Il en a, paraît-il, commis cinq autres en dehors du genre auparavant.

[*] Alias Route 666.