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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 4 Labyrinth of night

Keep Watching the Skies! nº 4, mai 1993

Allen Steele : Labyrinth of night

roman de Science-Fiction inédit en français ~ chroniqué par Sylvie Denis

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Allen Steele est de cette nouvelle race d'auteurs de hard science qui semblent moins se soucier de détails techniques que de réalisme au quotidien. Dans Isaac Asimov's science fiction magazine, il raconte des histoires d'astronautes, de stations orbitales et de bière. Son premier roman décrivait la vie à bord d'une station orbitale en construction, les deux suivants, Clarke County, Space et Lunar descent décrivent une conquête spatiale certes plus réaliste que celles qu'on nous proposait il y a quelques années, mais néanmoins encore baignée de cet optimisme à tous crins qui fait office de romantisme aux auteurs américains.

Nous voici donc sur Mars, dans les années 2030. En 2028, une expédition Américaine à confirmé que le visage photographié par Viking en 1976 existe réellement, de même que des pyramides gigantesques. Les hommes (c'est-à-dire des scientifiques américains, russes et japonais, et un danois pour faire bonne mesure) sont implantés en deux endroits sur Mars : Arsia Station, au sud de l'équateur, et Cydonia Base, prés des pyramides et du labyrinthe laissés par, bien entendu, de mystérieux extraterrestres insectoïdes, surnommés les Cooties.

Tout cela aurait pu donner lieux à un de ses romans à énigmes que j'avoue beaucoup aimer. Rien n'est plus science-fictionnesque que le frisson qui vous parcourt l'échine au moment où les courageux explorateurs s'enfoncent dans les entrailles du vaisseau mystérieux. Le cinéma le sait bien, qui apparemment ne connaît pas d'autre situation que la Rencontre, de préférence mauvaise. Mais ce serait trop facile, ou peut-être trop compliqué : la solution qu'Allen Steele propose à l'énigme de la cité et du labyrinthe extraterrestre n'est pas renversante, mais elle satisfera sans aucun doute l'amateur d'énigmes exobiologiques qui sommeille en chacun de nous. Mais il aurait été difficile d'y consacrer troix cent quarante pages. C'est sans doute la raison pour laquelle les États-Unis de 2030 sont gouvernés par un imbécile paranoïaque, servi par une administration et des militaires qui ne le sont pas moins. De même la Russie, ses principaux problèmes résolus, est redevenue un adversaire économique et politique. Voilà qui permet à notre auteur de mettre face à face gentils scientifiques uniquement préoccupés de résoudre l'énigme martienne et militaires bornés et persuadés que le camp adverse s'apprête à violer les résolutions de l'ONU et à entretenir une présence militaire sur Mars. D'échauffourée en grève des scientifiques, on en arrivera à l'envoi à Cydonia Base d'un militaire plus paranoïaque que la moyenne. Comme on peut le penser, les entreprises privées travaillant sur Mars auront elles aussi leurs agents, et l'énigme Martienne sera résolue.

Les lignes qui précèdent décrivent un récit plus manichéen qu'il ne l'est en réalité. Il est vrai que les scientifiques sont systématiquement pleins de bonnes intentions, alors que les administrations et les militaires sont de francs imbéciles, mais si l'énigme de Mars est résolue, c'est au prix de plusieurs vies et d'une bonne dose d'amertume : ce n'est pas parce qu'on a la preuve de l'existence d'extraterrestres que l'on cesse pour autant d'être seuls.

Au total, Labyrinth of night est un bon roman d'action qui pourrait, par exemple, combler maint lecteurs de J'ai Lu ou de Presse Pocket. On pourrait reprocher à l'auteur une certaine naïveté — comme dans Rencontre du troisième type, c'est la musique qui sert de vecteur de communication avec les extraterrestres — mais pourquoi bouder son plaisir ? L'auteur n'avait manifestement aucune autre prétention que celle d'écrire un récit haletant, et il y parvient fort bien. Pour ce qui est de la métaphysique ou des personnages, ma foi, il faudra aller voir ailleurs.