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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 11 le Dernier pilote

Keep Watching the Skies! nº 11, avril 1995

P.-J. Hérault : le Dernier pilote

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Jean-Louis Trudel

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Avec ce livre, j'ai entamé ma lecture d'une pile de romans du Fleuve Noir parus en 1994. Ce premier livre était aussi le plus ancien. Il serait d'abord paru en 1984, si je peux me fier a la date du copyright, et il a pris quelques rides.

La vogue du scenario post-catastrophique est épuisée depuis quelque temps, il me semble, mais à l'époque de Reagan et de l'URSS agonisante, c'était encore dans l'air du temps.

Cependant, la catastrophe à la base de cette histoire n'a rien à voir avec une guerre nucléaire. Il s'agit plutôt d'une comète dont la queue comporte des poisons pour l'homme ; quand la Terre traverse la queue de la comète, seules les personnes au groupe sanguin AB+ survivent tandis que les autres sont emportées par un mal foudroyant.

Comme j'ai fait quelques études en astronomie, j'ai failli avoir les larmes aux yeux et lancer ce livre par la fenêtre. Dire qu'on a osé publier cela en 1984 ! En 1904, à la rigueur, on aurait pu avaler ça, avant que la panique de 1910 suscitée par le retour de la comète de Halley parce qu'on savait que la queue qui balayerait la Terre contenait des gaz nocifs se soit révélée tout à fait vaine puisque la queue d'une comète n'est pas beaucoup plus tangible que le vide absolu. Je ne mentionnerai pas le fait que la comète est décrite comme un phénomène transitoire qui semble ne durer qu'une partie d'UNE nuit et que le nuage d'Oort est dit être "près du soleil"… ou que l'auteur parle d'une orbite "parasite", type dont je n'ai jamais entendu parler… Il est clair que l'auteur se contente de peu, de TRES peu pour asseoir son histoire sur une base crédible.

Enfin, cet unique élément de SF dans le roman (c'est censé se passer dans les années 80, alors nous sommes déjà en présence d'une uchronie) permet à l'auteur d'éliminer 1999 personnes sur 2000 à l'échelle de la planète. Sans faire de mal aux animaux, d'ailleurs.

Le héros, Kevin, est un publiciste dans la trentaine avancée qui vit à Paris. La femme qu'il aime meurt, ce qui le libère de tout lien affectif préalable.

A Paris, c'est la débandade et le carnage, la jungle à l'état pur. Les survivants ne songent qu'à s'éloigner de la ville mourante. Kevin se joint à une bande de jeunes, se fait larguer dès la première fusillade, est recueilli par un armurier qui lui redonne le goût de vivre (non, pas comme vous pensez) et qui lui lègue son équipement de survie, se lance à son tour sur les petites routes à la rencontre de l'aventure et finit par tomber sur un aérodrome où il se souvient qu'il est pilote.

Bon, si P.-J. Hérault n'est pas pilote lui-même, il est extrêmement convaincant et semble bien documenté. D'une certaine façon, les efforts de Kevin pour remettre en marche divers avions constituent l'autre élément SF du roman, car cette démonstration de connaissances techniques et de débrouillardise à la limite du bricolage me semble tout à fait apparentée à l'esprit technoptimiste de la SF.

Faut-il parler du reste du roman? Des groupes de survivants que Kevin rencontre et auxquels il vient en aide? De la communauté dont il devient le meneur en quelque sorte? De ses retrouvailles avec la bande qui l'avait lâché ? De la vendetta et du duel aérien qui confirme bien que Kevin est “le dernier pilote” ?

Il n'y a pas vraiment de surprises, donc, mais le tout reste plaisant et agréable à lire, sans être vraiment prenant. La narration est trop incohérente pour engager le lecteur à fond ; les coïncidences qui tombent à point pour le protagoniste sont légion.

Et puis, il y a ces étranges aveuglements. Ainsi, Kevin et sa communauté sont basés près de Draguignan. A bord de son avion, Kevin se promène sans hésiter jusqu'en Bretagne, mais il ne sort presque jamais de la France. D'ailleurs, on pourrait croire que le groupe sanguin magique n'existe qu'en France puisqu'il n'est jamais question de ce qui passe dans les pays voisins ou de la possibilité que Kevin pourrait être le dernier pilote en France, sans être le dernier pilote tout court. C'est fort curieux, et la topographie montagneuse aux frontières de la France n'explique pas tout.

Concluons. C'est un roman fort lisible, mais qui n'apporte rien de nouveau (à part l'idée farfelue d'un composé chimique cométaire qui détériore certains groupes sanguins, et dont on se serait bien passé). Si vous aimez ce genre de roman musclé, je vais recommander un roman étatsunien d'il y a quelques temps, Lucifer's hammer, signé par Niven et Pournelle, si je ne me trompe. J'ignore s'il a été traduit, mais pour la plausibilité, il est cent fois supérieur à Hérault.

Sinon, pour les fanas de l'aviation, cela pourrait valoir le détour. Ce n'était pas mon cas, alors je vais faire don de ce livre sans remords aucun à la bibliothèque municipale qui manque justement de romans de SF en français.