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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 12 Bob Morane

Keep Watching the Skies! nº 12, mai 1995

Francis Valéry : Bob Morane

essai ~ chroniqué par Pascal J. Thomas

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Après les séries télévisées, voici Francis Valéry sur la piste d'un héros dont la vogue, amorcée dans les années 50, a connu un remarquable retour à la fin des années 80. Mais on sent que Valéry retrouve avec la joie de la nostalgie les plaisirs de sa pré-adolescence. Moranophile, je l'ai été moi aussi, frôlant la moranomanie, obsédé que j'étais par la classification et le dénombrement des aventures du mythique commandant (qui passait à cette époque le tournant du numéro 100, volume qui marquait déjà un retour de la série sur elle-même). J'ai donc dévoré ce mince volume, même si la place prise dans ma vie par des plaisirs nouveaux (littéraires ou autres) m'empêche de poursuivre les nombreuses autres références fournies en fin de volume.

Pour moi, les passages les plus savoureux sont ceux où Valéry se révèle lui-même, qu'il relate un épisode de son enfance (apocryphe ? Peu importerait ! Se non è vero…), ou une rencontre avec le “vrai” commandant Robert Morane, sous les auspices de la vénération la plus fanique.

Pour moi qui ai perdu de vue la tortueuse aventure éditoriale de Bob Morane depuis la fin de la collection “Pocket Marabout”, les passages qui établissent le détail du canon moranien sont fascinantes.

L'étude sur l'œuvre elle-même se centre sur quelques pivots-clés ; les Dents du tigre sont vues comme un tournant majeur dans l'œuvre, celles qui font basculer Morane, qui ne vieillit plus, dans un univers parallèle au nôtre, périodiquement remis à jour. Valéry se concentre ensuite sur le personnage de l'Ombre Jaune, vu comme un successeur du Capitaine Nemo et un précurseur des éco-terroriste, et célèbre la composante technocritique de l'œuvre d'Henri Vernes — avec une mauvaise foi évidente pour qui connaît Valéry sous ses traits d'amateur de SF et de technologie, mais une belle persuasivité.

Dans le cadre d'un bref essai, il était normal de mettre l'accent sur ce qui pouvait faire l'originalité de Bob Morane (quoique ce dilemme entre découverte et destuction de la nature soit inhérent à la condition de ceux que l'on appelait au XIXe siècle les “explorateurs”). On ne trouvera pas dans ce livre le moindre recensement des parallèles (pourtant nombreux) entre les Bob Morane et des œuvres antérieures des divers genres dans lesquels le héros a trempé, en particulier la SF. La comparaison entre les Dents du tigre et cet autre chef-d'œuvre de la littérature populaire belge anglophile que fut le Secret de l'espadon d'Edgar P. Jacobs est pourtant incontournable ! Quant à la question des nègres d'Henri Vernes, elle n'est abordée qu'au travers des déclarations de l'auteur lui-même. Cette attitude excessivement respectueuse tranche avec celle adoptée par Valéry dans son étude sur le Prisonnier. Qu'elle n'entame pas votre plaisir de vous replonger dans l'évocation des 169 ( !) aventures de l'increvable héros…