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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 20 la Dame au linceul

Keep Watching the Skies! nº 20, juillet 1996

Bram Stoker : la Dame au linceul

(the Lady of the shroud)

roman fantastique ~ chroniqué par Philippe Paygnard

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C'est avec une certaine surprise que Rupert Sent Leger apprend que son oncle, le richissime Roger Melton, lui lègue la totalité de sa fortune. Mais cet héritage est agrémenté de conditions — qu'un aventurier de la trempe de ce jeune homme peut remplir sans peine. Le vieux Melton impose à son héritier de résider pendant plus d'un an dans le château Vissarion. Rupert Sent Leger va donc une nouvelle fois quitter sa douce Angleterre pour rejoindre ce vaste domaine situé au milieu des Balkans, dans les Montagnes Bleues. Conformément aux dernières volontés de son oncle, Sent Leger va essayer de se mêler à la politique locale, aidant les autochtones dans leur lutte contre l'envahisseur turc. Le jeune homme se sent attiré par le mystère de ce pays et par la volonté d'indépendance de ses habitants. Une étrange rencontre au clair de lune va cependant bouleverser ce dynamique aventurier. Que faut-il penser lorsque l'on se retrouve face à face avec une dame d'une beauté aussi grande que sa pâleur, vêtue en tout et pour tout d'un suaire humide ?

L'auteur de cette Dame au linceul s'appelle Bram Stoker. Il s'agit bien évidemment du seul et unique créateur de Dracula, le vampire le plus célèbre de la littérature fantastique. Il serait toutefois injuste de réduire sa carrière d'écrivain à ce livre. N'oublions pas que Bram Stoker est l'auteur de plus d'une douzaine de romans, des dizaines d'articles, de nombreuses nouvelles et de quelques adaptations théâtrales.

Débutant comme un banal récit d'aventure, la Dame au linceul nous entraîne dans ces contrées lointaines et méconnues à l'époque où Bram Stoker a écrit ce roman. Les Balkans, tels qu'il nous les présente, restent un monde soumis à la superstition et à l'archaïsme, bien éloignés d'une Europe où triomphent la technologie et le modernisme de ce début de vingtième siècle. Cette Dame au Linceul n'est certes pas sans rappeler l'œuvre majeure de Bram Stoker. Dans ces deux romans, l'auteur nous convie à découvrir des pays où merveilleux et fantastique n'ont pas encore complètement cédé la place à une bien triste réalité. Mais dix années ont passé entre Dracula et la Dame au Linceul et cela se ressent dans l'écriture de Stoker. Le second roman ne possède plus la fougue et l'énergie de son aîné. Dans Dracula, le romancier jouait sur l'alternance des narrateurs pour construire son récit et faire progresser son intrigue. Il reprend cette technique narrative pour la Dame au linceul, mais, tout au long du récit, laisse quasiment la parole à un seul narrateur : Rupert Sent Leger.

L'auteur de Dracula nous fait découvrir ici celle qui pourrait être la contrepartie féminine de son vampire. Mais cette Dame Blanche, loin de semer la mort derrière elle, attire l'amour de sa victime. Éperdument épris de sa dame au linceul, Rupert Sent Leger est prêt à tout pour la délivrer de la malédiction qui la touche, y compris au péril de sa vie. En fait, Bram Stoker sait très bien que les créatures de la nuit de Dracula ne peuvent survivre à l'émergence du vingtième siècle et c'est avec une pirouette finale qu'il ramène son récit dans une logique plus terre à terre.

La Dame au linceul nous prouve, s'il en était encore besoin, que Bram Stoker reste un auteur à découvrir ou à redécouvrir au travers de certaines de ses œuvres oubliées des éditeurs.