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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 21-22 Flingue sur fond musical – 1

Keep Watching the Skies! nº 21-22, septembre 1996

Jonathan Lethem : Flingue sur fond musical

(Gun, with occasional music)

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Noé Gaillard

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La quatrième de couverture précise que ce roman a reçu deux récompenses et qu'il relève à la fois de la S-F et du pastiche de polar façon Raymond Chandler.

Lethem propose un monde où les animaux sont humanisés, où les bébés sont des adultes (Walt Disney et Roger Rabbit, Cordwainer Smith, H.G. Wells). Il ajoute un usage autorisé des drogues sous forme de cocktail personnel en fonction de nos désirs, et des cartes d'existence (vous disposez d'un certain nombre de points Karma pour vivre). Dans ce monde que nous découvrons au fur et à mesure de l'enquête d'un “privé” sur le meurtre d'un ses anciens clients, il est mal venu de poser des questions… Et bien sûr le héros est très impoli, irrespectueux des règles et usages. Ce qui lui vaudra d'être congelé pendant un certain temps (la congélation définitive ou pour une durée variable étant une des punitions imaginées par cette société).

Un aspect science-fictif peu original, une enquête classique à la Raymond Chandler — le lecteur qui ne connaît pas Chandler ne sera pas gêné, au contraire il aura l'impression de lire une version particulière du Flic de Beverley Hills — et pourtant le roman est plaisant. Agréable à lire, bien rythmé (les scènes parodiques sont réussies). C'est sans doute parce qu'il fonctionne à la première personne et se cantonne à l'enquête. Comme dans le polar, le héros ne sort pas de son petit univers — celui des personnages ayant un rapport avec le ou les meurtres ; tout se passe entre lui et l'entourage immédiat. Les implications de ce qu'il découvre ne sont pas analysées, c'est nous qui devons le faire et il ne nous en laisse guère le temps.

Nous subissons le monde du héros et sa violence, il devient le nôtre et nous ne pouvons être à la fois acteur et spectateur. D'autant plus que la personnalité du héros est très développée et le monde très riche. Cette soumission est plaisante puisque nous savons qu'il s'agit d'une parodie et d'un jeu — les références sont manifestes — mais on peut — comme le héros, et un des méchants de l'histoire — s'inquiéter de l'aspect sensiblement schizophrénique que cela implique.

On peut s'inquiéter aussi de l'aspect confortable de ce type de SF qui n'interroge que son propre univers et fournit les réponses dans le droit fil de ses questions. Comme il s'agit d'un premier roman, on peut le considérer comme un exercice de style réussi et espérer que l'auteur se donnera la peine pour les suivants de faire autre chose que du parodique — à moins que ce phénomène de mode ne perdure.

Notes

››› Voir autre chronique du même livre dans KWS 21-22.