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Keep Watching the Skies! nº 21-22, septembre 1996

Marc Lemaire : imagine… 74

revue de Science-Fiction ~ chroniqué par Jean-Louis Trudel

Il s'agit d'un numéro spécial d'imagine… qui, rappelant en cela la revue canadienne-anglaise On spec, commence à publier un si grand nombre de numéros thématiques (études, Septième Continent, spécial théâtre) que les numéros ordinaires en viennent à constituer une minorité.

Ce numéro-ci est un spécial polar, baptisé "Imaginoir". Tout à fait par hasard, il est paru un peu en même temps que les numéros spéciaux sur ce sujet de XYZ et Cité Calonne et alors qu'on parle de la nouvelle collection polar & SF/F de la maison Alire. Soudain, il y a donc tout un bouillonnement au Québec autour du genre du polar.

Voyons ce que ça donne dans le cas d'imagine… La meilleure nouvelle du numéro est sans conteste celle d'Alain Bergeron, qui joue le jeu à fond en conférant à son personnage (un flic public dans un monde dominé par les multinationales, où les flics du privé sont de loin les plus nombreux et les mieux payés et outillés) le ton désabusé et emphatique de rigueur, et en créant une véritable énigme policière qui incorpore de façon moyennement réussie le décor SF de la nouvelle. "Le Jeu après la mort", c'est une nouvelle exécutée dans les règles de l'art, qui se sert des éléments qu'elle présente et qui superpose plusieurs intrigues. Cependant, la conclusion m'a semblé un peu faible, parce que les deus ex machina sont rarement satisfaisants, même si ce n'est pas un dieu que les machines font intervenir…

La nouvelle de Thierry di Rollo, "Errances", s'inscrit dans la tradition de la SF plus flamboyante et moins technologique qui semble si typique de la SF francophone actuelle. La solution de l'énigme repose sur des révélations supplémentaires et la nouvelle joue donc un peu moins franchement le jeu du polar, tout en essayant de se rattraper du côté de l'ambiance et du sensawunda science-fictif. De plus, le duo de l'enquêteur principal et de son androïde m'a désagréablement rappelé les protagonistes de Jean-Pierre Garen, alors que le couple de choc à l'origine de ce cliché, soit Lije Bayley et R. Daneel Olivaw, était doté d'une toute autre puissance d'évocation, même dans un texte court. Globalement, c'est donc un texte fort peu mémorable, sauf pour quelques aperçus d'un univers à la Star Trek. La solution fait appel à une coïncidence hautement improbable — ce qui n'est pas sans rappeler Star Trek encore une fois — et la justification scientifique est extrêmement faible, mais ça peut passer dans le cadre d'un univers qui ne prétend pas relever de la vraie science-fiction.

La nouvelle de Francine Tremblay, "Une amitié renversante", est une énigme policière un peu par accident. La texte avait été soumis dans le cadre du concours Septième Continent et c'est la direction littéraire d'imagine… qui a jugé bon de l'inclure dans ce numéro. C'est une histoire pleine de fantaisie, qui tire une partie de sa saveur d'une prose dont la maîtrise pleine et entière semble échapper par moments à l'auteure. Néanmoins, si le lecteur oscille entre plaisir et agacement, la conclusion de la nouvelle tranche en faveur d'une impression générale positive.

Quant au texte d'Alain Dartevelle, "By Night", c'est le plus littéraire et le moins polar de tous ceux qui composent ce numéro. Rédigé avec soin, il exploite des mises en abyme assez typiques des choix littéraires de Dartevelle. Le résultat de ce sabotage de la volonté de conviction n'est intéressant que sur un plan uniquement artistique.

Enfin, Jean-Pierre April contribue cinq nouvelles de 1 à 5 pages, dont la brièveté relève plus du gag que de la poésie. Drôles, efficaces et assez périssables, celles-ci s'intitulent "Le meurtrier était rouillé", "Trafic d'identité", "Un crime contre l'humanimalité", "Le Texte volé" et "Romancier assassiné : son ordinateur est soupçonné". Grâce à elles, l'impression générale du lecteur sur ce numéro restera positive.