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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 21-22 le Livre d'Atrus

Keep Watching the Skies! nº 21-22, septembre 1996

Rand & Robyn Miller avec David Wingrove : Myst – le Livre d'Atrus

(Myst – the Book of Atrus)

roman de Fantasy ~ chroniqué par Noé Gaillard

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Les amateurs du jeu Myst trouveront dans ce roman l'origine de l'univers dans lequel ils ont sans doute pris plaisir à se perdre. Premier constat : les paysages et les lieux présentés ici ont l'aspect glacé et joli des paysages et lieux du jeu. Deuxième constat : ce roman ressemble à un livre pour pré-adolescent.

Le héros est un enfant qui grandit au fil des pages pour devenir père à son tour. Mais sans se comporter comme son père. Atrus, l'enfant, est abandonné par Gehn son père au soin de sa grand-mère Anna. Anna va faire d'Atrus un enfant curieux et respectueux du monde, elle va lui enseigner les légendes, l'histoire de son peuple les D'ni (un peuple ayant fondé une civilisation forte disparu dans un cataclysme après une courte période de trouble politique). Un jour Gehn revient et reprend Atrus sous sa férule. Ils retournent au monde souterrain des D'ni et Gehn apprend à son fils comment créer des mondes. Le pouvoir des D'ni est un pouvoir divin. En écrivant avec une encre spéciale et des symboles particuliers ils donnent vie aux mondes qu'ils imaginent. Mais Gehn est un piètre créateur, qui se contente de recopier des phrases qui lui plaisent. Il ne crée des mondes que pour en être le maître, y exercer un pouvoir tyrannique. Gehn espère qu'Atrus saura corriger les erreurs qu'il commet. Atrus se révolte contre son père et rencontre Catherine, esclave indocile de son père. Elle a volé des livres vierges, ceux sur lesquels on écrit les mondes, et de l'encre, elle a créé des mondes d'une beauté exceptionnelle. Elle aide Atrus à vaincre son père. Mais on découvrira que, Catherine n'étant pas une vraie D'ni, ses créations doivent beaucoup à Anna qui est venue sauver son petit-fils.

Les créateurs de mondes utilisant leur pouvoir à des fins égoïstes, négligeant même de vérifier la structure de ces mondes, ne sont pas nouveaux ; les enfants se révoltant contre leur père non plus, et en cela ce roman est d'une banalité consternante. Les mondes imaginés sont pauvres et celui des D'ni n'apporte rien. On aurait pu espérer que la réflexion de l'enfant Atrus sur la création approfondisse le sujet, il n'en est rien. Tout au plus se pose-t-il la question de savoir s'il ne vit pas une situation imaginée par un livre… Si le garçon prend fait et cause contre son père c'est parce qu'il ne tient pas ses promesses, parce qu'il va lui voler celle qu'il aime. Il analyse les créations de son père quant au mode de création et non quant au pouvoir que cela procure.

Le récit bien rythmé reste un peu trop à la surface des choses et le lecteur — moi, simplement ? — se sent frustré de n'avoir pas de repère, pas de piste à suivre pour prendre position. On reste là à attendre que l'histoire s'achève en sachant que la fin sera heureuse. La seule ouverture, opportunité du livre est l'invitation à jouer comme Atrus à se créer des mondes imaginaires mais l'on sait combien ce petit jeu peut être dangereusement schizophrénique ou tout simplement l'apanage des joueurs de jeu de rôle. Les écrivains qui imaginent des mondes pour notre plaisir ont eux tendance à les peupler de personnages qui se posent des questions et nous permettent de réfléchir.

On peut peut-être s'inquiéter d'une tendance éditoriale qui privilégie la rentabilité immédiate (succès du jeu devant entraîner succès du livre) au détriment d'une production plus ambitieuse proposant au lecteur des sujets de réflexion plutôt que des divertissements stériles.