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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 24-25 Greta Garbo et les crocodiles du Père Fouettard

Keep Watching the Skies! nº 24-25, juin 1997

Pierre Stolze : Greta Garbo et les crocodiles du Père Fouettard

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Pascal J. Thomas

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Comme son titre l'indique, ce roman fait suite à Marilyn Monroe et les samouraïs du Père Noël, paru il y a une dizaine d'années chez J'ai Lu (et hélas non réédité, malgré des prévisions en ce sens). Nous y retrouverons Peyr de la Fièretaillade, amateur de bon vin et vadrouilleur cosmique, en compagnie de son épouse Marilyn, mais aussi d'une des fillettes pré-adolescentes rencontrées en fin du roman précédent, confronté à Greta Garbo et à la figure multiforme du Père Fouettard…

Mais auparavant, nous ferons un détour par la forêt amazonienne pour un chapitre d'aventures volontairement convenues dont le but n'est guère que de nous faire découvrir le carnaval éclectique de la retraite du Fouettard, alias El Dorado ; et par un prologue brillant en forme de réminiscences de l'empereur Tibère à l'agonie. Avouons-le, c'est ce prologue qui restera mon moment préféré du livre, car le reste n'apporte pas grand-chose de nouveau, pour aussi enlevé qu'il soit — et il l'est, on le lit sans jamais le moindre ennui. Stolze réussit ici le coup qu'il avait manqué dans le très décevant Théophano 960.

Pierre Stolze, comme bien des auteurs qui se font critiques, théorise avant tout dans ses commentaires sa propre pratique de la fiction — ou illustre dans sa fiction les théories proposées dans ses commentaires, c'est selon. Ce qui est certain, c'est que ce roman, avec ses incessantes injections de nouveaux personnages, de nouveaux lieux, de nouveaux motifs de peur ou d'émerveillement, répond parfaitement à la description de la S.-F. comme “littérature d'images” faite par Stolze, le critique universitaire. Son intrigue est plutôt lâche, et manque à mon goût de la cohérence, de l'économie qui résulterait d'une structure pensée en fonction d'un petit nombre de causes entraînant une cascade de conséquences surprenantes (par opposition à l'accumulation de surprises justifiées par des explications qui sentent l'ex post facto).

Que reste-t-il du tourbillon d'images et de personnages une fois le roman refermé ? Au moins une invraisemblance immédiatement relevée par déformation professionnelle — ce personnage de mathématicien pur rendu immensément riche par son travail de recherche [1] — et surtout cette idée frappante et puissamment illustrée d'une drogue offrant aux artistes un voyage subjectif dans le temps qui les détruit tout en les sublimant en un festival extravagant de leur art. C'est beau, mais je vous laisse décider vous-mêmes si c'est assez pour tenir un livre.

Notes

[1]  Voir la réponse de l'auteur dans l'éditorial du numéro 27.

››› Voir la chronique de Marlène Dietrich et les bretelles du Père Éternel, qui fait suite au présent texte.