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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 27 Futurs sans étoiles

Keep Watching the Skies! nº 27, décembre 1997

Raymond Milési : Futurs sans étoiles

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Noé Gaillard

Soyons clair, malgré des critiques (Curval et Baudou) disant grand bien de Salut Delcano ! (même éditeur, même collection, etc.), je n'étais pas arrivé au bout de cette production d'un auteur que par ailleurs je goûte avec un certain plaisir.

Imaginez la reine — pardon, l'impératrice — qui perd ses bijoux avant la cérémonie du couronnement. Un nommé d'Artagnan — pardon… Delcano — est chargé de les récupérer pour éviter au Pouvoir de perdre la face… Dumas, qui ne connaissait pas le problème des sectes (!?), des voyages dans le temps et des enfants martyrisés, se contente de nous emmener en Angleterre et d'adjoindre à son héros trois mousquetaires.

Milési, qui a lu et relu Frédéric Dard (cf. catalogue des éditions DLM), se contente de prendre le contre-pied, ou de simplement transposer en “milieu S.-F.” certaines caractéristiques de San Antonio. (Les lecteurs assidus des aventures du Commissaire sauront reconnaître les emprunts et les manipulations mais on peut citer en vrac : Delcano/SanA : séducteurs, dépourvus de modestie, toujours héroïques ; le patron de SanA : Chauve devient Le Grand Frisé de Delcano ; le nain de Delcano, détenteur d'une bête qui dévore tout et qui, par manque d'implant-trado, parle un langage approxima(du Centaure)tif… est un “contretype” du géant Bérurier, grand dévoreur et comme chacun sait amateur de beau langage ; en bref, Bérurier, c'est Shimro et lycée de Versailles.

Vous pourriez me rétorquer que jusque-là il n'y a pas de fouetter une chatte et que l'exercice de style vaut bien son Queneau… C'est vrai ! Mais moi, amateur de S.-F. — et même de S.-F. avec des idées et du style S.-F. —, je reste sur ma faim et pire je me fais de la bile. (« Qu'est-ce que ta mère est habile ! » chantait quelque part l'ami Boby.)

De la bile donc, d'abord sur le plan de l'écriture ; car si l'on veut s'amuser à rendre un hommage parodique à F. Dard pourquoi ne pas faire vraiment comme lui, en digne descendant d'un Céline ou d'un Queneau, et inventer des néologismes, produire des trouvailles dignes du siècle lointain où est censé évoluer Delcano et surtout, en tenant compte du fait qu'il est un avatar d'un homme de notre époque, oublier certaines comparaisons qui relèvent d'un passéisme étrange (« Il proliférait comme de la misère en pot »… il me semble qu'aujourd'hui, peu de gens savent ce qu'est la misère… en pot). Ensuite, sur le plan des idées — admettons les références à Dumas, à l'affaire Dutroux ou à Gilles de Rais si vous préférez, à Barjavel ou à Chaplin (cherchez du côté de monsieur Verdoux…) —, quand on lit, page 174 : « Pour l'Homme ne vous faites pas de bile (!?). Il y aura toujours le tiercé, le petit qui fait ses dents, la tapisserie du salon à changer ». Même si c'est censé être de la plaisanterie (!?), je me demande où est passé le créateur de Mouvance qui donnait à réfléchir et posait des questions…

Avec ce nouveau Delcano qui, j'en suis sûr, en réjouira beaucoup — un bon millier rendrait l'opération presque rentable —, mon ego cultivé style l'Express, l'Événement du jeudi, se fait plaisir. J'ai l'impression d'avoir compris toutes les vannes… Mais gare — comme les romans du même nom —, l'élite à laquelle j'appartiens, dans ce cas, se contente de bien peu… et risque de passer à côté d'un remake intelligent, d'oublier de jouer Faust et de se retrouver prisonnière de paradis piégés. Bonne lecture.