KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Jean-Pierre Andrevon : le Parking mystérieux

roman de Fantasy pour la jeunesse, 1997

chronique par Francis Valéry, 1998

par ailleurs :

Fabien Caprioli est un gosse des banlieues. Enfant unique dans une famille monoparentale, de santé fragile — il est asthmatique —, livré à lui-même la plupart du temps, Fabien meuble sa solitude par la lecture et par l'observation de sa cité. Et il s'en passe de drôles dans cette cité ! La nuit tombée, Fabien aperçoit parfois la silhouette massive d'un animal étrange et colossal se profiler sur le ciel de la cité, encombrée d'une végétation non moins étrange. Il lui arrive même d'apercevoir une libellule géante faire du surplace devant la fenêtre de sa chambre. Et puis, il y a les objets… des larges écailles qu'il trouve sur le parking ; et un jour : une griffe énorme ! Mais tous ces objets sont instables et se réduisent rapidement en poudre.

Fabien finira par faire la connaissance du locataire du quatorzième étage, un infirme cloué dans un fauteuil roulant, Andrzej, dont l'appartement est une véritable jungle africaine. Andrzej est un ancien zoologue. Le responsable de l'“accident” qui l'a privé de ses jambes est un braconnier et trafiquant d'ivoire, un certain Durrieux, un raciste qui fait du porte-à-porte dans la cité, une pétition anti-jeunes à la main…

Suspense, suspense…

Avec, dans un tout autre registre et pour un autre public, le Dernier dimanche de monsieur le chancelier Hitler (une remarquable pièce uchronique), le Parking mystérieux est un des temps forts du “retour” de Jean-Pierre Andrevon à une littérature qu'il paraissait avoir quelque peu désertée au tournant des années 90 — le rétrécissement du marché du Fantastique et de la Science-Fiction ayant conduit notre auteur à diversifier sa production en direction du polar, de l'aventure, de l'érotisme, de l'humour…

On retrouve dans le Parking mystérieux la même maîtrise littéraire que dans Gandahar et l'oiseau-monde — autre temps fort de ce retour. En écrivain professionnel et expérimenté, Andrevon utilise toujours le mot juste, la bonne formulation, l'image qui s'impose. Il ne cède pas davantage à la tentation d'en mettre plein la vue au lecteur — par quelques-uns de ces “trucs” bien connus des auteurs volontiers littératurants —, qu'à celle de se contenter d'une écriture neutre et de phrases à la structure minimaliste de type sujet/verbe/complément. Sous prétexte de s'adresser à un lectorat jeune, certains écrivains donnent parfois l'impression de travailler en dessous de leurs moyens. Ce n'est pas le cas d'Andrevon. Qu'il s'adresse à un collégien ou à un lecteur chevronné, Andrevon reste toujours lui-même, au-delà des inévitables ajustements à des publics très variés.

On reconnaîtra enfin au Parking mystérieux le même mérite qu'à Gandahar et l'oiseau-monde : le synopsis est construit de manière telle que le dénouement final reste assez largement imprévisible. Même si le lecteur habitué au corpus andrevonien réagit au quart de tour lorsque le zoologue dit : « Ça s'est réveillé… ». La formule renvoie à la conclusion d'une nouvelle déjà ancienne : "Ils sont reve…",(1) formule chargée d'un double sens puisque susceptible d'être décryptée aussi bien "Ils sont revenus" que "Ils sont rêve".

Les habitués reconnaîtront dans ce roman les préoccupations habituelles de l'auteur pour l'écologie, dans le sens le plus large du terme, ainsi qu'un écho de préoccupations plus récentes (comme la protection de la faune sauvage africaine, un sujet déjà abordé dans Où sont passés les éléphants ?).

Petite remarque : Tyrannosaurus Rex n'a jamais été « un dinosaure des marais d'Afrique » — dixit l'auteur. Les rares fossiles retrouvés à ce jour, provenant seulement de sept ou huit individus de ce grand bouffe-tout, l'ont tous été en Amérique du Nord. Simplement parce que T. Rex vivait vers la fin de l'âge des dinos, à une époque où l'Amérique et l'Afrique étaient séparées (depuis quelques dizaines de millions d'années) par l'océan Atlantique. Faunes et flores de ces deux continents avaient donc eu le temps d'évoluer différemment. À ma connaissance, les plus récentes découvertes paléontologiques sahariennes semblent accréditer l'idée de la présence en Afrique de dinosaures aussi terrifiants que T. Rex, mais qui ne lui seraient pas apparentés. Dinosaure médiatisé s'il en est, T. Rex est un pur produit yankee : pour une fois, laissons donc à Hollywood ce qui lui appartient…

Francis Valéry → Keep Watching the Skies!, nº 28, mai 1998

Lire aussi dans KWS une autre chronique de : le Parking mystérieux par André-François Ruaud.


  1. Dans le recueil C'est arrivé mais on n'en a rien su.

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