KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Denis Guiot : Dictionnaire de la Science-Fiction

avec Alain Laurie & Stéphane Nicot, 1998

chronique par Noé Gaillard, 1998

par ailleurs :

Louable entreprise dans la mesure où elle se propose de donner aux jeunes (?) lecteurs un aperçu du genre, mais surprenant résultat qui oscille entre le catalogue de vente camouflé et le travail bâclé. Il va de soi que ce point de vue est celui d'un lecteur qui n'attend rien d'un tel Dico et peut se montrer un peu tatillon. “Tatillons” ou “tatillonnons” donc.

En guise d'avertissement, il est signalé que « certaines notules sont inspirées du Monde de la Science-Fiction (M.A. éditions, 1987), écrit par Denis Guiot, Jean-Pierre Andrevon et George Barlow sous la direction de Denis Guiot. ». Dans cet ouvrage, réussi, les notules étaient signées, et il se dégageait malgré tout une unité certaine de l'ensemble. Ici, rien de tel. Les auteurs n'ont pas signé leurs notules, et semblent n'avoir eu pour consigne “unifiante”, non d'éviter les redites, mais de citer en illustration des exemples tirés des titres de la collection "Vertige SF" ou des auteurs pour la jeunesse le plus souvent possible. Exemple : Kim Aldany cité deux fois, Alain Grousset, trois fois, Danielle Martinigol, quatre fois et Serge Brussolo, Richard Canal, Jean-Claude Dunyach, une fois, Ayerdhal deux fois. Quelques auteurs ont même droit à plusieurs lignes de citations… Je veux bien admettre que ces œuvres présentent un certain intérêt, mais les mettre sur le même plan que celles d'Isaac Asimov, Ray Bradbury, Clifford D. Simak ou James Blish me semble étrange… Une manière singulière de confondre les créateurs et les copieurs, ou imitateurs, même si ces derniers ne sont nullement maladroits.

Autre problème : les approximations. Certaines notules révèlent une méconnaissance de l'œuvre présentée. Exemples : dans le Désert du monde, Andrevon traiterait d'un conflit nucléaire ; Oun Founge, le “savant fou” de la Compagnie des glaces de G.-J. Arnaud, est considéré comme existant, alors qu'il s'agit d'une création des Religieux pour justifier un type de politique ; voir aussi Zorglub ou Superman…

Cette méconnaissance se traduit aussi par un oubli de titres importants. À l'entrée Religion, par exemple, il n'est pas fait mention d'un Cas de conscience de Blish ou de Kid Jésus de Pierre Pelot. Bien sûr, tout citer serait fastidieux, mais ici les choix des œuvres-exemples paraissent parfois singuliers.

Autre singularité, le traitement infligé à certains auteurs qui traduit le parti-pris non justifié par le rédacteur. Exemples : René Barjavel « prône un retour à la Terre qui doit certainement plus à des influences pétainistes qu'à une écologie avant la lettre ». Roger Blondel/B.R. Bruss, à propos d'Apparition des surhommes : « L'allusion aux heures noires de l'Occupation est transparente, et d'autant plus cruelle que Roger Blondel participa au gouvernement de Vichy ». J'espère que la nuance ne vous échappe pas… Question de style direz-vous, parlons-en.

Que signifient les expressions suivantes : « une écriture rêveuse », « le prophétisme gauchisant », « une vague sorte de communisme primitif », « une écriture électrique ». Ou bien que traduisent exactement ces phrases : « colorié à la main ! » (pour un film de Georges Méliès), « Comme quoi, la guerre c'est toujours la faute de l'Autre… », « Lorsque la SF parle de religion, cela frise souvent le blasphème », « L'antimatière, n'est-ce pas l'autre côté du miroir », « Une chatte quantique n'y retrouverait pas ses petits » (à noter que l'adjectif kafkaïen est expliqué alors que quantique est censé être connu), et à propos de Charisme de Michael G. Coney : « Plus fort que le Meurtre de Roger Ackroyd d'Agatha Christie ! ». Ajoutez un zeste de fautes de typographie.

Bien sûr, on ne peut pas être parfait à trois sur deux cent quatre-vingt-quatre pages, et puis, nobody is perfect (moi-même…), mais tout de même. Un peu plus de sérieux, un peu moins de partialité ou de basse flatterie (style discours de cours de récré et référence systématique aux médiocres productions TV pourvu qu'elles fassent de l'audience) auraient rendu l'ouvrage attrayant et sympathique.

En fin de volume figure une liste de cent titres conseillés. Elle est, à quelques titres près, remarquable. Espérons que les lecteurs sauront en profiter.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 29-30, août 1998

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