KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Bruno Leydet : Contes de la quatrième lune

nouvelles fantastiques, 1998

chronique par Sébastien Cixous, 1999

par ailleurs :

Encore inconnu dans les contrées de l'Imaginaire, Bruno Leydet est un jeune écrivain marseillais dont les Presses du Midi ont déjà publié un roman historique (le Scélérat magnifique, 1996) ainsi qu'un curieux huis clos sur fond de guitares saturées (Hard rocks, 1997). Délaissant provisoirement le mainstream, celui-ci nous livre aujourd'hui un recueil de nouvelles évoluant entre l'insolite, l'irrationnel et la prospective à court terme. Son fantastique, parfois très dilué, emprunte ses motifs au traditionnel arsenal de la Surnature (spectre, vampirisme énergétique, ubiquité, prophéties…) lorsqu'il ne se contente pas d'auréoler le quotidien d'étrangeté, en refusant toute place au hasard, à l'arbitraire. Bruno Leydet ne s'inscrit pas pour autant dans une mouvance identifiable du genre dont il détourne volontiers les codes, au profit de fiévreuses méditations existentielles. Là où ses confrères s'évertuent à générer des effets de terreur, celui-ci prend un malin plaisir à désamorcer l'intensité dramatique de ses récits et substitue à l'action pure une prééminence dialectique qu'on ne manquera pas d'imputer, dans le nord, à la fameuse volubilité méditerranéenne. Assez d'actes, des mots ! Comme dans Hard rocks, la bizarrerie des situations contribue à délier les langues et les conversations se poursuivent, au gré des associations d'idées et des rapprochements phonétiques qui les jalonnent.

N'hésitant pas à user, à l'occasion, de procédés théâtraux aux fins d'exposition, voire de conclusions moralistes ("les Amères souffrances de l'infidélité"), Leydet jongle avec les symboles et s'adonne sans vergogne aux joies d'une intertextualité le plus souvent avouée (Shakespeare, Le Fanu, Molière, Machiavel…). Tantôt excessif, tantôt timoré voire expéditif ("Troisième guerre"), il doit encore accomplir un effort de discipline pour prétendre à la consécration. En attendant, les habitués des collections d'épouvante risquent fort de céder à la tentation d'une lecture cursive et de passer à côté de l'essentiel. Ces contes dissimulent, sous une apparente légèreté de ton, une profonde hantise de la déchéance, de la solitude et de la mort prématurée qui débouche, dans le dernier récit, sur une mise en abyme désabusée du "Festin de pierre".

Nous regretterons, pour terminer, qu'outre d'intempestifs sauts de ligne, l'éditeur ait laissé proliférer les coquilles. On ne le répétera jamais assez : une correction orthographique effectuée par un logiciel ne saurait remplacer une relecture sérieuse.

Sébastien Cixous → Keep Watching the Skies!, nº 31-32, mai 1999

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