KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Ayerdhal & Jean-Claude Dunyach : Étoiles mourantes

roman de Science-Fiction, 1999

chronique par Noé Gaillard, 1999

par ailleurs :

Le Landerneau / le Clochemerle / le microcosme (rayez la/les mentions inutiles) de la SF les attendait au tournant. Pensez donc, un duo Ayerdhal/Dunyach (deux des révélations vantées dans les colonnes du Monde). Ils sont au rendez-vous à grand renfort de presse. Comme si un bon bouquin avait besoin de publicité…

Les amateurs n'ont pas été surpris. Les qualités respectives de ces deux auteurs ne pouvaient, mêlées, produire du mauvais. On ne cherchera pas à savoir — petit jeu stérile — qui a pensé, qui a écrit. On se contentera de préciser que la SF française peut s'enorgueillir à nouveau d'un produit de cette dimension.

Ils ont imaginé des mondes et leurs habitants en rupture, à cet apogée des civilisations où l'on perçoit les fissures et les lézardes prémices à l'effondrement (quête du pouvoir, querelles de préséance, impuissance, déviances). Ils ont trouvé des raisons, des moyens de surseoir aux exécutions. Et le monde nouveau, né des ruines des anciens, sait sa plénitude. Histoires de déchirements — quand une part de soi, interne ou externe, refuse de se plier aux volontés de l'autre — dominant/dominé agressant le monde pour s'unifier. Symptômes d'une écriture en duo ? Mais chaque déchirure est porteuse de l'unité de l'œuvre. Au moins à cause de l'écriture qui tente dans la première partie (avant le rendez-vous des mondes) de calquer les soubresauts, comme elle réussit dans la deuxième partie (la lutte contre les forces “naturelles” et l'épuisement) à devenir lutte et force.

J'avoue avoir pris un grand plaisir à lire les efforts de cette dualité pour ne faire plus qu'un et certains passages sont d'une densité émotionnelle telle qu'elle disparaît sous la douleur ou le plaisir des personnages. En fait — même et surtout s'ils ont enfanté dans la douleur —, c'est la sensualité de cette œuvre qui en fait la force. La sensualité des personnages grain de sable dans la machine du pouvoir, des règles abstraites instaurées. Sensualité des images générées à partir des animaux-villes.

On pourrait concevoir le roman comme un animal-ville et chaque lecteur, unique habitant, comme ayant des rapports privilégiés avec lui. Mais, aussi satisfaisante que peut sembler l'image, elle est réductrice ; car les mécanismes des sociétés et du pouvoir sont analysés, traduits et développés avec précision, au point de faire apparaître un des éléments du romanesque, le héros, comme le seul trublion possible et nécessaire. Ainsi, et j'en finirai là avec un lyrisme peut-être inconvenant, on pourrait vouloir que ce roman devienne le petit trublion de chaque lecteur, un petit Jiminy Criquet, et saluer chapeau bas la belle performance des duettistes.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 34, novembre 1999

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