KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Pas de la SF ?

éditorial à KWS 34, novembre 1999

par Pascal J. Thomas

par ailleurs :

Il y aurait tout un éditorial, voire plus, à écrire sur ce qui se dit, ou ne se dit pas, de la Fantasy, et qui n'en est pas, ou en est — respectivement ! Mais, trop paresseux, trop trouillard qui sait — suis-je à l'abri d'une descente d'elfes qui me feraient la totale ? —, je ne m'attaquerai pas à la tâche aujourd'hui.

Et je parlerai plutôt d'un livre déjà fort convenablement chroniqué par Noé Gaillard, Cyberdanse macabre de Richard Canal. Que je n'avais pas lu, et affublé — sur la foi de l'article de Noé, de la présentation de la collection et tutti quanti — d'un chapeau “policier scientifique”. À la lecture de l'ouvrage — rapide et réjouissante, je m'empresse de le dire —, je me suis senti le devoir de corriger mon jugement.

Flammarion et Canal peuvent bien se liguer pour dire que ce n'en est pas : ce livre est de la SF. Il postule une société, du futur proche certes, où Canal met en scène son université de rattachement (à Toulouse) et un certain nombre de personnages aux patronymes empruntés à ses connaissances, certes ; mais une société qui a en quelques années évolué suffisamment pour que soient mis en place des milliers de kilomètres d'autoroutes automatisées, et vendus les véhicules équipés pour l'emploi des voies spéciales.

La route mise en scène est celle de la sortie de Toulouse vers Foix — délices pour l'auteur de la mise en scène du familier —, et quand on sait la mini-révolution qu'avait provoquée la mise à péage d'un tronçon de rocade dans la même direction vers 1996, on mesure l'évolution sociale que représente le réseau postulé par l'auteur.

Il est vrai que, par ailleurs, les détails de la vie quotidienne rappellent fortement notre présent, un peu durci. Mais les scènes centrales du livre sont des scènes de bagarre sur le réseau informatique. Plus réalistes que celles de Neuromancien, pas moins poétiques finalement.

Faire de la SF, ce n'est pas seulement élaborer un monde dont la réalité dérape, ou qui incarne des allégories. C'est aussi extrapoler à brève échéance, forcer le trait des évolutions en cours. Et le faire en exploitant la cohérence de l'existant n'est pas moins œuvre de SF. C'est un registre différent de celui en général affectionné par la SF française. En ce sens, ce livre est plus SF qu'un roman comme le Cimetière des papillons.

Les prochains ouvrages de Canal ne seront peut-être plus de la SF sous aucune définition, et il me faudrait lire d'autres numéros de la série Quark noir(1) pour savoir comment elle tournera. Mais pour le moment, ne diminuons pas l'aire du champ SF en en écartant indûment un livre comme Cyberdanse macabre.


  1. Par exemple Lentement s'empoisonnent.

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