KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Ray Garton : la Résurrection de Ravana (Buffy contre les vampires – 21)

(Resurrecting Ravana, 2000)

roman fantastique

chronique par Philippe Paygnard, 2002

par ailleurs :

On peut sans peine faire d'une série télévisée de qualité une collection de livres sans intérêt. Les exemples pullulent et ce n'est pas la peine d'en dresser une liste exhaustive. Dans ce domaine, les novellisations et histoires inédites de Buffy contre les vampires, publiées au Fleuve noir, ne sont ni meilleures ni pires que les autres. Fidèles à l'esprit de la série télévisée, ces livres signés Nancy Holder, Christopher Golden et autres se lisent vite, font passer un bon moment et s'oublient tout aussi rapidement. Cependant, lorsque l'on trouve le nom de Ray Garton sur la couverture d'un tel ouvrage, on peut s'attendre à quelque chose d'un petit peu différent.

Attention, curiosité ! Ray Garton n'est certainement pas aussi connu que Stephen King ou Clive Barker ; c'est pourtant un spécialiste de l'horreur qui compte à son actif plusieurs dizaines de romans oscillant entre horreur sanglante et gore le plus pur. C'est d'ailleurs dans la défunte collection "Gore" du Fleuve noir que l'on a pu le découvrir en France avec un ouvrage à ne pas mettre en toutes les mains.(1) Depuis, la carrière française de Ray Garton se poursuit avec des parutions ponctuelles dans la collection "Terreur" de Pocket qui ont pour titre Extase sanglante ou Crucifax. S'ils ne concurrencent pas les ouvrages de Dean Koontz ou Graham Masterton, on y retrouve la violence et l'humour bien glauque de Garton qui sauvent ses livres de l'anonymat.

Que se passe-t-il lorsqu'un auteur de romans gore de la trempe de Ray Garton rencontre l'univers fantastico-télévisuel de Buffy ? On peut s'attendre à un récit bien sanguinolent agrémenté de cet humour si particulier que Ray Garton distille avec bonheur au fil de la plume. Il semble que le résultat ne soit pas exactement à la hauteur de cette espérance mais, avec la Résurrection de Ravana, Ray Garton signe quand même un Buffy contre les vampires pas tout à fait comme les autres.

Tout en respectant les codes et les clichés de la série télé, il offre à lire un récit prenant, bourré de rebondissements. Il n'hésite pas à incorporer à son roman quelques-unes de ces scènes gore dont il a le secret,(2) même si celles-ci sont très en retrait de ce qu'il fait par ailleurs. Ray Garton parsème également son histoire de fausses pistes digne d'un véritable auteur de polar et il n'hésite pas à faire d'énormes clins d'œil à la nouvelle culture populaire qu'est la télévision.

Cependant, Garton joue tout à fait le jeu de la novellisation et respecte scrupuleusement les caractères des héros de la série télévisée, à commencer par Buffy et sa petite bande. Il leur permet toutefois de rencontrer des personnages qu'ils n'ont guère l'habitude de croiser puisqu'il s'agit de créatures issues de la mythologie de l'Inde. Car le Ravana du titre n'est pas né de l'imagination de Garton : c'est un géant démoniaque régnant sur les Rakshasa qui affronta Rama, septième incarnation de Vishnu, et fut vaincu par lui. On peut d'ailleurs remarquer qu'à l'inverse d'autres auteurs de la série,(3) Garton est extrêmement respectueux de la légende qu'il ne fait que replacer dans les paysages connus de Sunnydale. Ce faisant, il donne un adversaire à sa mesure à la tueuse de vampires : Ravana, démon de la mythologie ancienne face à Buffy, héroïne de l'éphémère mythologie hollywoodienne. Rien que pour cela, ce roman de Ray Garton est un titre incontournable dans une collection tout à fait “contournable”.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 41-42, janvier 2002


  1. Séductions a été le quatrième titre de la collection "Gore" dirigée par Daniel Riche, après la Nuit des morts-vivants de John Russo, l'Autoroute du massacre de Joël Houssin et le Bois des ténèbres de Richard Laymon. Traduit et adapté par Claude Mallerin, ce livre de cent soixante pages seulement (dans sa version française) a été publié par le Fleuve noir en avril 1985.
  2. À commencer par un premier chapitre plein d'entrain qui fait presque regretter que les “chiens de l'enfer” qu'il présente ne soient pas les véritables adversaires de Buffy dans ce roman.
  3. Je pense plus particulièrement à Elizabeth Massie qui, dans Pouvoir de persuasion (Buffy – 18), transforme trois honorables déesses grecques, Mnémosyme, Calliope et Polymnie, en féministes extrémistes.

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