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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 43 le Chemin de la nuit

Keep Watching the Skies! nº 43, juin 2002

Robert Silverberg : le Chemin de la nuit (Nouvelles au fil du temps – 1 : 1953-1970)

(the Road to nightfall & Ringing the changes)

recueil de Science-Fiction sans véritable équivalent en langue anglaise ~ chroniqué par Noé Gaillard

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24,1 × 15,4 cm/environ 900 g de littérature et un rapport poids/taille très contraignant pour le lecteur obligé de tenir ce volume à deux mains, un encombrement gênant pour la plage… Si je ne tiens pas compte des quelque dix nouvelles inédites en français — elles se situent toutes dans la première manière de l'auteur et n'ont qu'un intérêt anecdotique — quel est l'intérêt d'un livre de ce type ? Pour ce qui me concerne : il est double. D'une part il collationne les nouvelles de Silverberg jusque-là éparses — voir la bibliographie — et ce recueil a sa caution. D'autre part, et cela n'est pas indiqué en couverture, les textes sont présentés par l'auteur sans fausse modestie et avec ce qu'il faut d'humour pour que cela soit supportable.

Silverberg, on connaît, ou on croit connaître, parce qu'on a lu quelques romans ; mais on constate en lisant ses mini-préfaces à chacune de ses nouvelles que tant qu'on ne sait pas comment et pourquoi écrit quelqu'un on ne le connaît pas vraiment, que ses œuvres lui servent de masques. Ici Silverberg joue un peu de l'impudeur comme pour faire passer ce qu'il pourrait aisément éviter de montrer. Il justifie toute la première partie de sa carrière par la nécessité, le besoin de gagner sa vie en écrivant, de payer ses études. Et par l'ambition : être reconnu comme les autres. Aussi explique-t-il comment il écrit “à la manière de” (au moins Sheckley, de quatre à cinq ans à peine son aîné en littérature, et Vance) et comment il accepte ce qui se faisait beaucoup à l'époque : l'écriture d'après illustration. En fait il se présente comme un bon faiseur… À lire les textes de cette période, cela saute aux yeux, mais on sent bien que sous cette production forcenée — être payé en cents et au mot exige de ne pas chômer —, purement alimentaire, et pas toujours S.-F. un auteur, un individu pointe. Heureusement, quelques rédacteurs en chef rescapés de l'effondrement du marché — dont Frederik Pohl — exigent de Silverberg qu'il produise des textes dignes d'être repris par la suite. Et il nous donne alors — mais il n'a plus besoin de produire de l'alimentaire — des nouvelles riches et denses : du Silverberg. Des nouvelles qui ne doivent rien à une illustration ou à une quelconque imitation et qui mettent en évidence une vaste culture et un humanisme pudique. Gageons qu'avec les trois autres tomes — au moins — qui sont prévus notre connaissance de Silverberg et notre lecture de ses grands romans nous seront meilleures.