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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 43 Histoires étranges

Keep Watching the Skies! nº 43, juin 2002

Yves Armand : Histoires étranges

recueil de Fantastique ~ chroniqué par Éric Vial

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Ce recueil est clairement placé sous le signe du local. Éditeur local, auteur qui s'annonce sur la couverture comme « Membre de l'Académie delphinale » (une très vénérable institution grenobloise), ancrage de la plupart des textes dans un terroir bien défini, au sud de Grenoble, du côté de la vallée de la Gresse et de la petite ville de Vif. Et les treize micro-histoires qui le composent sont solidement ancrées dans la vie quotidienne, celle du présent et celle du passé, celle d'un historien local, entre vacances, métier d'enseignant, ventes aux enchères et archives départementales, celle, aussi, qu'il remonte au jour dans ces dernières, ou qui lui a été transmise par la tradition orale.

Ce sont souvent des anecdotes un peu minces, mais où l'impossible, l'étrange ou l'inquiétant se mêlent au réel. C'est souvent un fantastique minimal, ou minimaliste. Une apparition surnaturelle, peut-être angélique, a des traits bien ordinaires, une carte postale jaunie arrive avec bien du retard, mais peut-être de l'au-delà, des fantômes se manifestent sur une tombe, le long d'une route ou dans une salle de classe… On frôle aussi le fantastique, mais sans l'aborder vraiment avec une “bête”, un loup, introuvable, ou avec la triste réalisation d'une prédiction, avec des séances de spiritisme et un objet peut-être porte-malheur, ou avec une série d'incidents qui peuvent tout aussi bien être attribués au hasard qu'à l'influence d'un portrait potentiellement maléfique, introduit dans la maison du narrateur. Parfois, enfin, le fantastique laisse la place au simple réalisme, mais agrémenté de coïncidences ou de conjectures, quand une rencontre dans la salle de lecture des Archives départementales se télescope avec le dossier criminel qui vient d'y être dépouillé, quand on a l'aveu post mortem d'un crime atroce, ou l'histoire fort rationnelle d'un trésor caché, ou encore une vente aux enchères qui, moralement, ne se conclut pas très bien.

En fait, tout cela fait un peu songer à la collection des Guides de la France Mystérieuse de chez Tchou, que l'on trouvait encore il y a une quinzaine d'années, riches de gravures “rétro”, avec pierres levées, légendes et hauts lieux communaux. On est aux franges du domaine qui intéresse KWS, avec un pied dans le monde de l'histoire régionale, et un autre dans l'imaginaire. Dans l'insignifiant aussi, peut-être, et l'auteur invite à le dire en citant Paul Léautaud (« Quand on se lit imprimé, on se dit : ce n'est que cela ! Si on était sage, on ne recommencerait jamais. »). Et pourtant, même si la chauve-souris de la couverture ne renvoie à aucun Dracula, on est bien aux limites de la réalité. Et on y prend plaisir. Un plaisir qui n'est peut-être pas seulement lié à une familiarité avec les lieux.