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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 43 Sa majesté des clones

Keep Watching the Skies! nº 43, juin 2002

Jean-Pierre Hubert : Sa majesté des clones

roman de Science-Fiction pour la jeunesse ~ chroniqué par Noé Gaillard

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C'est le genre de roman que l'on lit avec une attention soutenue pour la simple raison que son titre fait référence à un grand classique de la littérature — si ma mémoire est bonne son auteur est même un des récents prix Nobel —, Sa majesté des mouches de William Golding. (Jean-Pierre Hubert a quinze ans lorsque ce roman paraît en France [1] ). C'est pour moi un de ces romans effrayants qui mettent en évidence les ressorts de la machine humaine, qui renvoie Rousseau et une bonne part des grands “humanistes” à leurs chères études, qui expliquent notre société contemporaine et, entre autres, son lot d'incivilités…

Hubert, et ce n'est pas une surprise, s'en tire à merveille. Les jeunes isolés du monde le sont à cause d'une attaque des arachnos, ennemis des humains. Sur l'île de l'espace où ils se retrouvent, le climat et une machine vont faire que de charmants bambins se transforment en monstres insensibles à la mort des autres et prêts à tuer. Le roman ne se limite pas à une tentative de compréhension du phénomène générateur de cette violence qui semble naturelle, innée chez les individus — on notera que par la présence de trois personnages féminins Hubert fausse un peu le résultat puisqu'elles sont moins agressives que les garçons mais tout aussi “réalistes”. Les “femelles” seraient-elles moins cruelles que les mâles ? Il met en évidence une autre capacité humaine que l'auteur semble considérer aussi comme innée : l'aptitude à la tolérance. Les jeunes humains qui apprivoisent la jeune arachnos — ces araignées fonctionnent manifestement sur un système matriarcal (!) — parviennent à force de patience et réflexion à trouver un langage pour communiquer avec cet “ennemi”. Il met aussi en évidence dans un troisième niveau de lecture les jeunes humains en opposition avec un écosystème d'une rare violence ce qui les contraint à chercher des solutions adaptées — ceux qui utilisent la technologie en souffrent.

Voilà à mon avis le type de roman pour la jeunesse directement rédigé pour les enseignants. Il me semble qu'un travail pédagogique laisserait l'histoire intacte et ne ferait rien perdre de sa signification profonde. À condition bien sûr qu'il soit effectué par les élèves et donne lieu à des confrontations de résultats obtenus. Je ne saurais trop vous recommander de lire ce dernier numéro de la collection "Autres mondes" — on remarquera que si l'on suit les critiques et les récompenses littéraires c'est une collection où il y a peu de déchets — au moins pour vous faire une idée de la manière dont Jean-Pierre Hubert a “revisité” un chef-d'œuvre de la littérature mondiale.

Notes

[1]  En 1956, aux éditions Gallimard, dans une traduction de Lola Tranec.