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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 43 Pollen

Keep Watching the Skies! nº 43, juin 2002

Joëlle Wintrebert : Pollen

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Noé Gaillard

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Le pollen, dit mon Robert, c'est l'agent mâle de la fécondation. Ici, c'est une société matriarcale qui gère une planète et un satellite habité. Le mot d'ordre de cette société est de bannir la violence masculine. Elle a donc relégué ses hommes sur le satellite avec mission de protéger Pollen. Elle a instauré une organisation sexuelle qui fait que sur Pollen les enfants naissent dans des cuves, par trois (deux filles un garçon [1] ), tandis que sur le satellite des soldats emportent quelques “élues” et leur font des enfants. Ainsi coexistent une société gérée par des femmes et celle des hommes.

Mais un mouvement de “libération” vient perturber la belle ordonnance. Les terroristes sont exilés sur le satellite, et leur mémoire effacée. Ainsi une triade est brisée : le garçon est envoyé sur le satellite, une des filles décide d'aller le retrouver et la dernière cherche sur place, en intégrant le mouvement clandestin, à réunir le trio. Joëlle Wintrebert donne ainsi à lire les démêlés de chacun de ces personnages avec la société.

Cela, c'est pour l'action, l'anecdotique ; mais la relation, l'association fond/forme est comme il se doit harmonieuse (sur Pollen les femmes habitent des maison-plante-nids en symbiose avec leur humeur…). Et derrière toutes les violences physiques faites au jeune homme, ou morales faites à ses sœurs, le lecteur perçoit l'artificialité du système dominé par la notion de pouvoir et/ou de préséance au lieu de s'abandonner au principe de sensualité qui organise les rapports les triades avant leur éclatement “normal”. Wintrebert oppose — mais ce n'est pas nouveau — pouvoir et sensualité, naturel et artificiel — suprême pirouette, la civilisation de Pollen est basée sur une donnée fausse, un mensonge. Ce qui pourrait se traduire par une opposition : artificiel et pouvoir contre naturel et sensuel. Théorie rousseauiste du “bon sauvage” revisitée ? Je ne pense pas, car Joëlle dit quelque part que ce n'est pas la société qui est mauvaise, c'est le désir de pouvoir et sa conservation contre vents et marées — le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument… La fin ouverte de Pollen laisse le lecteur libre d'imaginer la suite. Une fois détruit ce qui faisait obstacle à l'épanouissement, des individus seront-ils capables d'instaurer une société “intelligente” ? Ou retomberont-ils dans les travers “humains” qui offrent tant de matière aux romanciers ? Rappelons simplement que Pollen est en principe une “utopie” — voir le rejet de l'extérieur : tout vaisseau étranger au système est un danger pour Pollen.

On notera un changement de style, une écriture plus nerveuse, moins poétique mais toujours aussi rigoureuse qui fait que l'on n'a guère envie de cesser sa lecture.

Notes

[1]  Petite élégance, Joëlle se permet de rectifier une règle grammaticale : la triade c'est elles ou elle (deux filles, un garçon).