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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 44 la Danse des six lunes

Keep Watching the Skies! nº 44, août 2002

Sheri S. Tepper : la Danse des six lunes

(Six moon dance)

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Sandrine Grenier

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Newholme est une planète censément inhabitée, qui a subi deux vagues de colonisation venant de la Terre. Composée exclusivement d'hommes, la première a disparu dans des conditions mystérieuses. La deuxième a établi une société matriarcale de type dur, où les hommes portent le voile et n'ont aucun droit. Depuis quelque temps, les habitants sont confrontés à de sérieux problèmes d'ordre géologiques : secousses telluriques, éruptions volcaniques, la planète entière se rebelle.

Le Conseil des Mondes est une entité chargée principalement de contrôler la bonne application des Édits de Haraldson, un genre de charte des Droits de l'Homme à la puissance mille, sur toutes les planètes colonisées par l'Homme. Il est particulièrement vigilant quant aux traitements infligés aux espèces natives, allant jusqu'à interdire purement et simplement la colonisation d'une planète si celle-ci est déjà occupée par une espèce intelligente. Le Conseil est représenté par l'Inquisitrice, sorte de mégaordinateur bio-mécanique, logé dans un corps humain artificiel très imposant. Dotée de conscience, totalement autonome, omnipotente et infaillible, l'Inquisitrice est à la fois juge et bourreau. Son pouvoir est total : il lui est même arrivé de détruire des planètes entières, par trop déviantes. Justement, son arrivée est annoncée sur Newholme… Et en matière de déviances, Newholme cache plus d'un secret.

Lorsque l'Inquisitrice arrive, une course contre la montre s'engage pour sauver à la fois la planète en pleine crise d'autodestruction, et ses habitants, pris entre les ravages écologiques et les foudres de l'Inquisitrice. D'autant plus que les colons de la première vague se manifestent soudain, avec la volonté affichée de récupérer leur bien…

La Danse des six lunes est un pavé impressionnant, qui avance à un train de sénateur. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Sheri S. Tepper prend son temps. Le découpage de son roman est dès le départ assez déroutant, puisqu'un nombre impressionnant de chapitres (soixante et un !) enchaîne les personnages principaux sans logique apparente, racontant leurs vies sans qu'ils ne se croisent jamais. Au fil du récit, on trouve également des chapitres exclusivement consacrés à l'Histoire, comme sortis d'un manuel scolaire, qui viennent ponctuer le déroulement de l'action : la vie de Haraldson, le Conseil des Mondes, la création de l'Inquisitrice. Les personnages ne se rejoignent que très tard dans le livre, par petits groupes de deux ou trois, donnant l'occasion à autant d'anecdotes et d'aventures échevelées. Les protagonistes viennent d'horizons très variés, ce qui permet mine de rien de brosser un portrait des mœurs très diversifié, que ce soit sur Terre ou sur Newholme, et concernant cette dernière, entre les hommes, les femmes, les natifs et les premiers colons, quatre mondes totalement différents. Les individus sont bien campés et possèdent une psychologie fouillée. En fait, l'histoire de cette planète n'est qu'un prétexte à une galerie de portraits riches et très attachants. Le revers de la médaille, c'est que le lecteur a du mal à trouver des rails sur lesquels se caler face à une histoire qui tarde à démarrer réellement, avec des sauts brouillons d'un personnage à un autre. Jusqu'à ce qu'on comprenne qu'il n'y a pas une histoire, mais des histoires, et que l'on suive chacune avec autant de plaisir que de frustration.

Malheureusement, toute cette belle et patiente construction est gâchée par une fin qui ne tient pas ses promesses. Un peu comme si l'autrice, une fois ses héros regroupés, n'avait plus rien à dire, ce qui renforce l'idée de l'histoire-prétexte. Certes, l'idée de base qui était de sauver la planète et sa population, y compris de ses propres excès, avec en toile de fond la volonté de dénoncer les rapports conflictuels entre hommes et femmes, est respectée. Mais, outre le fait que la partie humaniste du discours passe tout bonnement à la trappe, il s'avère que la façon dont ils sauvent cette planète est à la limite du grotesque.

En résumé, un roman qui nécessite patience et bonne volonté, pour une fin qui laisse franchement à désirer. Impatients s'abstenir.