Sauter la navigation

 
Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 44 Ring

Keep Watching the Skies! nº 44, août 2002

Suzuki Koji : Ring

「リング」

roman fantastique ~ chroniqué par Philippe Paygnard

 Chercher ce livre sur amazon.fr

C'est une légende urbaine qui circule dans les collèges et les lycées japonais. Il existe une cassette maudite et qui la regarde n'a plus que sept jours à vivre. Journaliste dans un grand magazine, Asakawa Kazayuki entend parler de ce mythe moderne en écoutant la conversation d'un chauffeur de taxi bavard. Il décide de mener une véritable enquête sur cette cassette vidéo qui aurait déjà tué quatre lycéens. Ses pas le conduisent jusque dans un chalet d'un centre de loisirs où il découvre une cassette anonyme qu'il a grand tort de visionner. Des images énigmatiques et un coup de téléphone mystérieux font de lui la prochaine victime de la malédiction. Un terrible compte à rebours vient de commencer pour Asakawa qui n'a plus que sept jours pour sauver sa vie.

Le Fantastique japonais existe, c'est une certitude, mais il est plus connu sous nos latitudes sous forme de manga, d'anime ou de long-métrage. D'ailleurs, le succès international du film homonyme de Nakata Hideo n'est certainement pas étranger à la traduction du Ring de Suzuki Koji. Plus qu'un livre, Ring est un best-seller depuis sa parution, en 1991, sur l'archipel nippon. Il est même devenu un authentique phénomène de société, générant deux suites romanesques et une nouvelle originale sous la plume de Suzuki Koji lui-même, ainsi qu'une adaptation télévisée et une version cinématographique sous la direction de Nakata Hideo, sans oublier quelques copies, plagiats, hommages, et l'indispensable remake hollywoodien.

Ring est sans conteste un récit fantastique, mais c'est surtout une véritable étude psychologique. Dans son récit, Suzuki Koji s'intéresse tout autant à la malédiction qu'à l'homme qui en est frappé. Il dresse ainsi le portrait d'un journaliste qui croit à la malédiction qui le frappe. Sa force de conviction lui permet d'entraîne avec lui, dans sa quête de la vérité, son vieil ami Takayama Ryuji, mais aussi le lecteur.

Dans Ring, Suzuki mêle plusieurs thèmes classiques de la littérature et du cinéma fantastique. On retrouve donc un objet maudit et son corollaire naturel, l'esprit vengeur qui n'a pas trouvé le repos éternel sur cette terre ou dans l'au-delà. À cela s'ajoute un brin de modernité puisque la malédiction frappe à travers un objet on ne peut plus actuel, une cassette vidéo, et génère une véritable légende urbaine rivalisant sans peine avec les crocodiles des égouts new-yorkais.

Sans aucune description sanglante, ni effet gore d'aucune sorte, Suzuki crée donc une ambiance lugubre et pénétrante à laquelle on peut se laisser prendre. Néanmoins, comme tout récit où l'action n'est pas prédominante, on peut rester totalement insensible à cette aventure où le compte à rebours mortel ne s'affiche que dans la tête du héros.

Si le livre de Suzuki Koji vaut le détour, l'adaptation cinématographique de Nakata Hideo n'est pas en reste. Ce dernier a su rester fidèle à l'esprit du roman tout en adaptant la lettre aux contraintes du septième art. Il a notamment transformé le journaliste du roman en une journaliste, Asakawa Reiko (interprétée par MatsushimaNanako ), et il a aussi mis de côté toutes les références scabreuses entourant le personnage de Takayama Ryuji. Cependant, tout comme Suzuki dans son roman, Nakata prend le temps de nous faire découvrir le quotidien tout à fait banal et normal d'Asakawa, avant de laisser le surnaturel s'installer par petites touches successives jusqu'à la révélation finale. Qu'il agisse en père et mari dans le roman ou en mère dans le film, Asakawa ne se bat pas seulement pour sauver sa vie, il lutte contre le temps pour vaincre la malédiction qui frappe aussi sa fille et sa femme dans le livre, son fils dans le long-métrage. Fonctionnant tous deux selon le même modèle, film et roman se révèlent diablement efficaces.

Certains ont déjà décrit Suzuki Koji comme le Stephen King japonais. C'est peut-être une comparaison un peu hâtive, si ce n'est un brin exagérée. Il n'en reste pas moins que Ring remet au goût du jour une littérature fantastique où le non-dit est aussi important que les descriptions les plus crues.