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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 45 le Sabbat dans Central Park

Keep Watching the Skies! nº 45, octobre 2002

William Hjortsberg : Angel Heart ou le Sabbat dans Central Park

(Falling Angel)

roman fantastique ~ chroniqué par Éric Vial

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L'amateur de S.-F. connaît Hjortsberg pour Matières grises, réédité il y a déjà pas mal d'années au Livre de Poche. L'amateur de cinéma a peut-être vu le film Angel heart — il remonte à 1987, mais la quatrième de couverture insiste sur le fait qu'il existe en DVD. En tout cas, on a là un thriller entre roman policier et Fantastique. Et on marche.

Cela commence tout de même par une impression de rétro. On est après la seconde guerre mondiale. Le narrateur est un privé du nom de Harry Angel. Il en est revenu avec un nez en cire, et une solide amnésie. Et on lui confie la mission d'enquêter sur un crooner disparu. “On” étant un Européen mal identifié dans une histoire new-yorkaise. De plus, supposé être un imprésario, ce qui de toute façon est, avec un éditeur, ce qui peut se rapprocher le plus du diable dans ce genre d'histoire. D'où enquête. Avec pas mal d'étoiles à cinq branches, comme un signe de reconnaissance incompréhensible. Avec un hôpital où le crooner est censé être soigné, alors qu'il y a beau temps qu'il s'en est envolé. Un médecin camé facile à interroger, mais moins facile à garder en vie lorsqu'on s'absente. Une ex-fiancée richissime diseuse de bonne aventure. Une ancienne maîtresse prêtresse vaudou. Un sabbat dans Central park, car le titre ne ment pas. Des cauchemars où il est question de double. Ou d'exécution sous la Terreur — on ne commentera pas l'image de la France dans cette affaire. Une liquidation sanglante avec tous les signes extérieurs du culte vaudou, mais à peu près aussi exacts et plausibles que les caractères chinois de la plupart des bandes dessinées. Un rassemblement de monstres de foire, façon Freaks. La très charmante et très astucieuse fille du crooner, devenue vite fait maîtresse de l'enquêteur. Un prêcheur à succès… Et pas mal de cadavres, dont les deux négligemment évoqués ci-dessus.

Autant dire que jusque-là, il y a de quoi faire un bon roman noir. dans un décor qui flirte avec le fantastique, mais plutôt parce que les personnages en sont imprégnés. L'imprésario peut trouver drôle d'avoir des allures inquiétantes. Le vaudou est une religion tout à fait existante, et s'il est beaucoup question des pouvoirs potentiels du disparu, rien ne dit qu'ils existent ailleurs que dans l'esprit de ceux qui en parlent. Rien ne vient trancher sur le réalisme, voire sur le positivisme. Et comme c'est bien mené, on peut penser que cela satisfera et ceux qui aiment le Fantastique, et ceux qui le prendront pour un intéressant décor, pourvoyeur d'exotisme.

Ceci, jusqu'aux chapitres 47 et 48. Les deux derniers, bien entendu. Ceux où tout se noue. Pas pour le mieux, on s'en doute. C'est la loi du genre et il n'était pas question d'avoir là le premier volume d'une série. Tout se noue et tout bascule. Les pires soupçons antérieurs se trouvent confirmés. Et plus encore. Et on est vraiment dans le Fantastique. À moins que le narrateur soit fou. Vu ce qui lui arrive, cela n'aurait d'ailleurs pas grande importance. On comprendra qu'il soit difficile d'en dire plus. Et qu'on renvoie l'amateur à la lecture de ce roman, qui tranche un peu, par son côté “polar classique” dans une collection de S.-F., mais devait trancher, pour de toutes autres raisons, en "Série noire" — même s'il est tout particulièrement noir. Comme l'Enfer.