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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 48 le Jour des morts

Keep Watching the Skies! nº 48, janvier 2004

Jean-Pierre Andrevon : le Jour des morts

nouvelle fantastique ~ chroniqué par Noé Gaillard

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Publier en pleine canicule, et au beau milieu des diverses mesures concernant les accidents de la circulation, un petit livre avec une petite illustration de couverture proposant un casque de motard posé sur une tombe pourrait s'apparenter à de la provocation, et si l'on s'intéresse un tant soit peu à l'auteur on imaginera cette “provocation”-clin d'œil comme voulue.

Dans cette nouvelle, Andrevon imagine que, le jour des morts, ce sont eux qui nous rendent visite et qu'il faut les supporter toute la journée, leur faire la conversation, manger avec eux qui bien sûr ne peuvent que faire semblant, supporter leur odeur (mélange de naphtaline et de puanteur). Ici, une fois la maman et les papi-mamie revenus et le décor planté, Andrevon fait s'évader le fils aîné, celui de la morte. Le jeune homme achève des études d'architecture et est sur le point de partir vivre sa vie. Son escapade l'amène près d'une cité où il retrouve — errante — celle qu'il aimait et aime encore. Celle qui sortait avec son meilleur ami, celle qui est morte dans l'accident de moto — il conduisait et elle ne portait pas de casque — dont il a réchappé. Et le vivant ose dire à la morte qu'il l'aime, ils passent ce qu'il reste de journée ensemble et il raccompagne à sa tombe le corps chéri qui n'est plus que sable. Puis il rentre chez lui subir les foudres paternelles tout en se demandant s'il ne serait pas bon de partir retrouver celle qu'il aime…

Une banale histoire de fantastique urbain ? Pas si sûr, car même si l'idée du retour des morts, et du fait qu'on peut vouloir les aimer comme des vivants, n'est pas si originale que cela, son traitement qui oublie de nous faire peur est d'une part assez réussi et d'autre part un peu plus original. En inversant le rituel de visite des morts et en les faisant revenir sans leur donner un pouvoir qu'ils n'ont plus, Andrevon oblige le lecteur à s'imaginer un autre rapport aux morts : ils ne sont rien malgré leur poids de sable et de tissus et leur présence se confronte aux souvenirs dans une parenthèse du quotidien… En les faisant sortir de notre ordinaire pour y revenir il nous permet de les banaliser. Et on peut imaginer qu'une fois les vivants ayant accompli-réalisé leur deuil les morts cessent leurs visites. Si le héros de l'histoire, qui manifestement peine à sortir de l'adolescence, joue au romantique — desdichado, veuf inconsolable — sans sa morte, le fait de la rencontrer le ramène chez les vivants sans le fardeau des “si” mais avec une vision plus claire, lucide du monde des vivants…

Un petit livre dépourvu d'innocence pour éviter de mourir idiot…