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Keep Watching the Skies! nº 50, janvier 2005

Isaac Asimov : les Robots

(I, robot)

nouvelles de Science-Fiction

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chronique par Philippe Paygnard

Sous une couverture tirée du film I, robot, qui donne la vedette à l'inspecteur Del Spooner (alias Will Smith), les éditions J'ai lu ne proposent pas comme on pourrait le croire, ou le craindre, une novellisation du dernier long-métrage d'Alex Proyas. Il s'agit tout simplement de la réédition sous ce titre opportun du premier recueil de nouvelles du cycle des robots d'Isaac Asimov, publié en son temps sous le titre plus francophone de : les Robots. C'est donc avec plaisir et sans aucun risque de déception que l'on peut lire ou relire ces textes classiques où Asimov prend un malin plaisir à trouver les failles des trois lois de la robotique qu'il a lui-même édictées comme principe fondateur à l'existence des robots. Écrites à la fin des années quarante, les neuf nouvelles qui composent ce livre ont certes pris un petit coup de vieux. Pour l'essentiel, cela vient du fait qu'Asimov a pris le risque de donner des points de repère temporel à ses récits. Ainsi, c'est en 1996 qu'aurait dû naître Robbie, le premier robot commercialisé par U.S. Robots, et c'est en 2002 que le premier robot parlant devait faire son apparition. Ces dates, qui appartenaient alors au futur d'Isaac Asimov, font désormais partie de notre passé et les anticipations du romancier ne se sont pas transformées en réalités, métamorphosant ainsi les textes de Science-Fiction d'Asimov en récits d'une réalité parallèle à la nôtre. Ce n'est là qu'un point de détail car, mis à part ce petit problème de datation, les nouvelles d'Asimov font partie des textes incontournables de la Science-Fiction moderne. En neuf nouvelles, Asimov nous fait ainsi vivre plus d'un demi-siècle de l'aventure humaine et robotique. Il nous fait également entr'apercevoir l'émergence d'une nouvelle intelligence capable de supplanter l'être humain si celui-ci n'y prend garde.

Comme ce sont ces nouvelles qui ont inspiré les scénaristes du film I, robot, il est tentant de les relire à l'aune de cette nouvelle adaptation de l'œuvre d'Asimov. Première constatation, le personnage du flic allergique aux robots, interprété par Will Smith, n'existe pas dans ce recueil, ni dans aucun autre1. Seconde constatation, les personnages présents dans les nouvelles ont subi de radicales modifications à commencer par le docteur Alfred Lanning et par Lawrence Robertson, respectivement directeur des recherches et fondateur d'U.S. Robots. Quant à Susan Calvin version cinéma, elle est bien trop superficiellement traitée pour tenir la comparaison avec son alter ego littéraire. Seuls les robots NS 5 du film semblent avoir un lien de parenté avec les Nestor N S-2 de la nouvelle "le Petit robot perdu".

Fort heureusement, on retrouve dans le long-métrage d'Alex Proyas quelques-unes des thématiques développées par Asimov dans ses nouvelles. Ainsi, les motivations de la prise de contrôle manu militari de la cité par V.I.K.I., l'ordinateur central d'U.S. Robots, et par ses hordes de robots NS 5, sont dans la droite ligne de la nouvelle "Conflit évitable". Dans ce texte, qui constitue la conclusion du recueil d'Asimov, la première loi de la robotique est subtilement modifiée en ces termes : « Nulle Machine ne peut porter atteinte à l'humanité ni, restant passive, laisser l'humanité exposée au danger. ». Ce qui, d'une certaine manière, autorise les robots à faire du mal à un ou plusieurs individus si c'est pour le bien du plus grand nombre. D'autres éléments épars de l'œuvre d'Asimov ont été repris de-ci de-là dans le film, mais bien trop de choses ont été oubliées pour convaincre un véritable amateur de SF d'abandonner le livre d'Asimov au profit de son adaptation cinématographique.

La richesse des thèmes abordés par Isaac Asimov dans ses nouvelles, son humour pince-sans-rire et le véritable personnage de Susan Calvin, presque capable de lire dans l'esprit des robots et bien plus à l'aise avec les machines qu'avec les hommes, font d'I, robot un livre qu'il est plaisant de lire et encore plus de relire. Ce qui n'est certainement pas le cas de son adaptation soumise aux contraintes de l'industrie cinématographique.

Notes

  1. Mais il fait penser aux romans policiers SF d'Asimov, les Cavernes d'acier et Face aux feux du soleil, qui s'inscrivent aussi dans le cycle des robots — NdlR.