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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 52 Croisades

Keep Watching the Skies! nº 52, novembre 2005

Jack Vance : Croisades

(recueil sans équivalent en langue anglaise, composé par Pierre-Paul Durastanti)

nouvelles de Science-Fiction

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chronique par Éric Vial

La novella est réputée être une bonne distance pour développer une histoire de Science-Fiction. L'ennui, c'est qu'elle bouffe le sommaire de n'importe quelle de nos actuelles revues (sauf sans doute la ressuscitée Fiction, aux aëffiens Moutons électriques, que plus de trois cents pages, même seulement semestrielles, et une relative indifférence aux rubriques rédactionnelles autorisent à ce genre de choses). Que les recueils ont mauvaise presse chez les éditeurs, les libraires. Et que les volumes ultra-minces semblent le prototype de la fausse bonne idée qui enthousiasme les services commerciaux jusqu'au retour des invendus. Reste donc à avoir un auteur vendeur, à obtenir un volume suffisant par addition de quelques textes, à trouver une couverture qui ne corresponde pas forcément à un d'entre eux mais évoque ce qui semble le plus motiver les clients, et à espérer que ceux-ci suivent. C'est sans doute le pari de "Folio SF" avec ce recueil de quatre textes de Jack Vance. On ne s'en plaindra pas.

La baston spatiale renouvelée de la Guerre des Étoiles énième épisode, version pastels roseâtres, que semble promettre l'illustration, n'est pas au rendez-vous, mais il n'est pas certain que ce soit une mauvaise chose. Et c'est une litote. À la place, on trouvera une apparemment guillerette histoire de mondes parallèles démultipliés à l'infini, une autre plus sombre et plus brève (soixante-cinq pages “seulement”) de monde bureaucratique, une troisième où l'on se tape certes dessus entre humains et extraterrestres mais où les premiers relèvent de la chevalerie médiévale, magie en sus, et une dernière à base de lutte contre une civilisation esclavagiste, mais où les différentes planètes ne sont guère là que pour le décor et le gonflement des populations concernées, les armes réellement efficaces étant par ailleurs tout à fait immatérielles et ayant peu à voir avec les faisceaux-laser… On peut chercher la cohérence, l'unité de ces textes — si tant est qu'elle soit nécessaire, mais c'est là une autre histoire. On vient de voir qu'on ne les trouverait pas dans les mondes décrits, pas plus d'ailleurs que dans les personnages mis en scène… Ni dans la thématique globale, qui lorgne dans un cas vers une Fantasy rationalisée. Et pas non plus dans le moment où les textes ont été écrits : ils sont présentés au rebours de l'ordre chronologique et s'étagent sur vingt-deux ans, datant respectivement de 1973, 1959, 1958 et 1951.

Finalement, cette unité est d'abord dans le talent de l'auteur, tout simplement. Même si l'organisation du recueil dont il vient d'être question permet de s'apercevoir que Vance s'est tout de même amélioré avec le temps, encore que ses débuts sont bien loin d'être négligeables, Elle est aussi, par conséquent, dans le plaisir de la lecture. Elle est peut-être aussi dans le rapport entre l'individu et la collectivité. Avec un approfondissement, une revendication libertaire évidente mais aussi des garde-fous, parce qu'icelle revendication ne saurait s'assimiler à une dilatation inconsidérée de l'ego (toujours transcendant, comme on sait) au détriment d'autrui… Vu par un critique, tout cela risque fort de dégénérer en banalités moralisatrices. Raconté par Vance, c'est formidable. Et si on peut trouver là un début de clé de lecture pour bien d'autres de ses textes, ce serait essentiellement pour se donner une occasion de les relire. Pour le plaisir individuel — un plaisir individuel qui ne saurait nuire à autrui.