Sauter la navigation

 
Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 57 les Sept trains de l'impératrice

Keep Watching the Skies! nº 57, août 2007

Roman Rijka : les Sept trains de l'impératrice

roman de Science-Fiction

 chercher ce livre sur amazon.fr

chronique par Éric Vial

Voilà un curieux objet. Qui renvoie à un autre d'Ormesson que l'éditrice, à l'auteur de la Gloire de l'Empire. On est en effet dans un monde imaginaire. Certes, celui-ci est assez directement décalqué de la réalité, et il est inutile de se torturer longuement la cervelle pour traduire Parzh par Paris, Masva par Moscou, Kyi par Kiev, “majoritaires” par bolcheviks, etc. On hésitera davantage pour savoir s'il y a des Baltes ou des Biélorusses, et on aura peut-être du mal à identifier les “Poulpes” avant d'apprendre tout à la fin qu'ils n'ont pas d'équivalent dans notre univers, ou plutôt que leur équivalent n'a pas joué le rôle qui leur est attribué ici. La couverture, avec clochers à bulbe, avait assis l'identification dès avant la lecture. Et là-dessus, se greffe ce qui serait une uchronie si les noms imprimés étaient ceux que le lecteur aura reconstitués. Une grande-duchesse a échappé au massacre de la famille impériale ; elle ne s'appelle pas Anastasia, mais Olga. Et elle va devenir impératrice, car les tsaristes remportent la guerre civile. S'y ajoutent les aventures d'une journaliste parisienne d'origine russe, et le tout donne un roman qui n'est pas tout à fait la « fresque flamboyante », empruntant « à Michel Strogoff et au Docteur Jivago, tout en réinventant le roman d'aventures », mais qui se laisse pour le moins lire.

On s'interrogera sans doute sur des anachronismes de détail, très matériels. Ainsi, on commence par l'atterrissage chaotique d'un biplan assez adéquat à l'époque de la guerre civile russe, puis, sans que beaucoup de temps ait passé, on trouve vers le milieu du livre une table en formica renvoyant bien davantage à 1950, et on termine entre téléviseur et ordinateur personnel, dans un monde en proie à des fantaisies météorologiques – entre-temps, le regard occidental sur les événements a fortement rappelé les mœurs médiatiques actuelles… Il est difficile d'imaginer que ce soit pure inadvertance. Mais c'est aussi trop peu marqué pour invoquer à bon compte les mânes du post-modernisme et un jeu avec le temps. Par ailleurs les deux conclusions semblent fortement contradictoires, ouvertes toutes deux, mais impliquant l'une un pur solipsisme, sur lequel on reviendra, l'autre une réalité objective du récit. La première rappellera quelque chose à des amateurs de Science-Fiction déjà chenus. C'est en effet, volontairement ou non, une interprétation de l'éternité subjective dont parlait Michel Jeury il y a maintenant plus de trente ans, avec l'accès, au moment de la mort, à une vie infiniment allongée, mais tenant en réalité dans une fraction de seconde… C'est un élément supplémentaire d'incertitude et d'intérêt dans un ouvrage qui aurait pu être un assez banal roman d'aventure mais qui, de décalage en décalage, mérite largement d'être signalé ici.