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Keep Watching the Skies! nº 58, novembre 2007

Estelle Valls de Gomis : le Cabaret vert

nouvelles fantastiques

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chronique par Philippe Paygnard

Le genre Fantastique n'est certes pas au mieux de sa forme, mais il paraît encore régulièrement quelques petits bijoux. Il est certes fréquent qu'il faille les débusquer sous l'étiquette ô combien plus consensuelle de "Thrillers" qu'ils empruntent à l'envi dans les grandes maisons d'édition. Parfois, il faut aller les dénicher chez des éditeurs d'apparence modeste, mais animés par une véritable passion du genre. Mais, dans les deux cas, il n'existe de tels bijoux que par la volonté d'auteurs qui persistent, contre vents et marées, à écrire des récits appartenant pleinement au genre Fantastique. Estelle Valls de Gomis est de ceux-là et elle nous invite, à travers les dix-huit nouvelles qui composent son Cabaret vert1, à une redécouverte de certains des thèmes les plus classiques du genre, à commencer par celui des vampires.

Même s'il n'y a pas de thème commun évident entre les dix-huit récits du Cabaret vert, ce recueil est cependant dominé par la figure du suceur de sang. Un vampire qui, au gré des textes d'Estelle Valls de Gomis, peut être d'un romantisme extrême ou bien, le temps d'une nouvelle, prendre une apparence terrifiante. Il est évident que les vampires d'Estelle Valls de Gomis ne sont en rien monolithiques, ils apparaissent ainsi, au-delà de leur goût prononcé pour le sang frais, comme des créatures animées de pulsions très humaines et d'une grande variété. C'est ce que l'on retrouve tout particulièrement dans "le Destin d'Anicet de Saint-Amour" où la nouvelliste propose ainsi le portrait d'un vampire qui pourrait sans peine rivaliser avec l'incontournable Lestat d'Anne Rice.

Même si les nouvelles d'Estelle Valls de Gomis ne sont pas toutes expressément situées dans le temps, la plupart d'entre elles se déroulent au xixe siècle, une époque qu'apprécie tout particulièrement la nouvelliste (par ailleurs rédactrice en chef du Calepin jaune, le fanzine des littératures de l'imaginaire et du xixe siècle). C'est donc sans surprise que l'on retrouve dans les textes d'Estelle Valls de Gomis l'influence de grands maîtres du genre que furent Bram Stoker, J. Sheridan Le Fanu ou Théophile Gaultier, mais il s'agit là d'une influence totalement maîtrisée et assumée. Tout comme l'est la mythologie revisitée qui constitue les fondations d'une bonne demi-douzaine des nouvelles du Cabaret vert et qui permet de découvrir Poséidon, Ulysse et Prométhée sous des visages bien différents de ceux des légendes, avec une mention spéciale à "la Métamorphose d'Aphrodite".

L'une des caractéristiques communes à ces dix-huit nouvelles reste leur brièveté, la plus longue ne faisant qu'une quinzaine de pages. Pourtant, cette concision n'empêche nullement Estelle Valls de Gomis de créer, à chaque fois, de remarquables ambiances, sans descriptions superflues, avec des mots finement choisis. La nouvelliste donne toujours une place prépondérante aux personnages sur des décors qui ne sont là que pour faire avancer l'intrigue et non la diluer.

Mêlant hommage, poésie et efficacité, les nouvelles d'Estelle Valls de Gomis jouent avec le vécu culturel de chaque lecteur, procurant à chaque fois un lot d'émotions et un plaisir de lire incontournable.

Notes

  1. Il s'agit d'une deuxième édition augmentée, la première datant de décembre 2004. Préface de Léa Silhol, couverture de Michelle Blessemaille.