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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 61 le Concile de fer

Keep Watching the Skies! nº 61, décembre 2008

China Miéville : le Concile de fer

(Iron council)

roman de Science-Fiction et de Fantasy

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chronique par Noé Gaillard

Je commencerai par une petite remarque à propos de la couverture : à gauche, au-dessus du logo Fleuve noir inscrit de bas en haut, figure le mot Fantasy, et le bandeau qui orne cette couverture mentionne que le roman a obtenu le Prix Arthur C. Clarke. Il y aurait là une certaine contradiction… Heureusement corrigée par la quatrième de couverture (si ! si !) qui cite Neil Gaiman : « Miéville utilise avec une facilité déconcertante les outils du Fantastique pour créer la fiction de demain. ». On ne saurait mieux dire.

Et avant d'attaquer le fond, je signalerai que ce roman fait partie des deux ou trois meilleurs livres que j'aie lus en 2008, Eifelheim de Michael Flynn étant l'un des deux autres. Et tous les deux traitent plus ou moins directement de religion.

Arrêtez ! Je vous entends d'ici. Oui, j'affirme que ce roman, ne serait-ce que par son titre ("Concile" est un des sens possibles du mot Council) et au moins par deux de ses personnages et pas des moindres : Judas1 Bezalle et Spiral Jacobs fait référence à la religion. Et ce n'est pas parce qu'on la nie ou l'oublie qu'elle n'existe pas dans les comportements et les mots des “gens”.

Bref résumé : Ori, jeune révolutionnaire, estime que ceux du Comité ne font pas assez bouger les choses, il s'engage dans la bande d'El Toro. Judas Bezalle aide à la construction de la ligne de chemin de fer et découvre des choses qui heurtent sa bonté naturelle. Le Faucheur, membre du Comité et amoureux de Judas, reste avec le train poursuivi par les forces de l'autorité de Nouvelle-Crobuzon… Les trois personnages et bien d'autres se retrouveront à la fin de la Commune née des grèves et des batailles. Le tout sur un fond fantastique où les animaux, les éléments s'entre-déchirent au gré des éléments et du temps. Vous aurez remarqué que nous sommes dans le même monde que Perdido Street Station et les Scarifiés — mêmes auteur & éditeur.

Et le train ? Il véhicule et génère le mode vie libertaire qui en séduirait beaucoup s'il trouvait une voie libre pour s'épanouir. Ceux qui l'habitent réalisent un véritable exploit dans leur fuite en avant, ils font le tour du monde en frôlant une zone particulière… et la mort. Il devient un mythe !

Le reste relève, à mes yeux, de l'anecdotique, du papier d'emballage. Ici nous avons la chance de nager dans un univers d'une rare densité et de lire un auteur qui ne se contente pas de simplement nous renvoyer à nos révoltes historiques (Commune, 1917, Cuba, Tien An Men, au moins, celles-là, j'ai cru savoir les déchiffrer) mais les enrobe, les emballe dans du papier cadeau de luxe. Un écrivain qui a du souffle et le sens de l'épopée (les passages de batailles sont d'une intensité qui interdit d'interrompre la lecture, et les affrontements entre personnages — pourtant sans surprise — traduisent à merveille nos indécisions ou nos certitudes…). Et de plus il nous offre un peu d'espoir. Tant pis pour les tenants du pouvoir. Tant mieux pour les tenants d'un pouvoir de rêver.

Allez acheter ce roman, plongez-vous dedans. Et lisez aussi Eifelheim, car ces deux titres que je cite ici avant tout le monde, risquent bien d'être primés (en tout cas le contraire me serait un scandale).

P.S. : Quelques notes de la traductrice (Nathalie Mège) auraient évité des sursauts horrifiés et des incompréhensions. Une bonne relecture aurait (peut-être ) gommé des fautes de typo plus que malvenues…

Notes

  1. Soyons irrespectueux jusqu'au bout : que serait Jésus sans la trahison de Judas ?