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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 61 l'Île au trésor

Keep Watching the Skies! nº 61, décembre 2008

Pierre Pelot : l'Île au trésor

roman d'aventures

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chronique par Noé Gaillard

Comme vous suivez régulièrement KWS — si vous ne le faites pas encore, sachez que c'est une erreur —, vous connaissez mon approche des livres par la quatrième de couverture et son baratin censé vous donner envie de lire l'œuvre. Et nous y revoilà ! Je laisserai de côté “bref résumé” qui en constitue le premier paragraphe (il fait parfaitement son travail), pour m'intéresser aux deux paragraphes suivants. Je vous cite le deuxième in extenso :

« Splendide hommage au chef-d’œuvre de Stevenson, revisité à l'aune des considérations les plus actuelles, l'Île au trésor façon Pelot nous rappelle tout le prix et toute la profondeur d'un véritable roman d'aventures. ».

Personnellement j'y trouve deux choses à redire. L'expression "à l'aune de" me paraissant désuète au moins depuis que cette mesure n'a plus cours (depuis la révolution française si je ne m'abuse), certain(e)s pourraient y voir une faute de frappe. Et le mot "véritable" semble suggérer qu'il en existe de “faux”.

Quant au dernier paragraphe j'y trouve un des pires défauts de la publicité : le côté “surenchère” : imaginez un instant, braves lecteurs, Pelot n'est pas un écrivain, c'est un stakhanoviste, un forçat de la plume. Comment qualifier autrement un type qui pond quatre romans par an alors que d'Ormesson (Jean), il lui faut deux ans pour en rédiger un et lui c'est bien écrit. « Il n'est pas question que j'offre ce livre à mon neveu ! ». J'exagère ? Sans doute, mais je vais quand même en conclure que pour vendre même un bon produit, une bonne œuvre il est besoin d'un peu d'exagération.

Oui, j'ai fini. Passons au roman — j'adore Pelot depuis que je l'ai lu pour la première fois ; je serai peut-être de parti pris — : ce n'est ni un pastiche, ni un décalque. Et je ne pense pas que l'on puisse dire un “à la manière de”.

Quelqu'un quelque part (pardon d'avoir oublié qui et où) a dit ou écrit : « Pelot est un remarquable CONTEUR » ; bien sûr on l'imagine un soir d'été ou d'hiver raconter des histoires qui mettent dans les yeux autant d'étoiles qu'il y en a aux cieux. Mais comme je pense qu'il a appris à écrire dans Walter Scott, R.L. Stenvenson et Mark Twain tout en regardant les aventures de Jerry Spring (l'avant-Blueberry de Jijé) et qu'il a su trouver, inventer son propre style, on peut aussi imaginer la voix claire, ému de l'enfant qui raconte ses aventures (les dialogues, le ton du récit, c'est ce qu'il y a de plus difficile à trouver). Imaginez le récit d'un conteur dont on aurait perdu quelques mots entre somnolence et veille… Imaginez pour cette “île” un amateur de lecture rapide qui tenterait le coup de la lecture en diagonale ou en pointillé, je suis presque certain qu'il cesserait vite avec le sentiment de perdre de l'information, si ce n'est du plaisir ; je vous signale que, en principe, nous connaissons déjà l'histoire. Pour mémoire un jeune garçon est embarqué dans une chasse au trésor à laquelle se mêlent des histoires de famille et d'amitiés, il y perdra une partie de ses illusions. Attention ! la dernière page du roman laisse envisager une suite. On n'ose imaginer que le lecteur ne se jette pas dessus. En attendant je crois que vous saurez trouver au fil des pages de quoi vous faire plaisir. Si l'on ne peut dire qu'il s'agit d'un pastiche, d'un décalque ou d'un “à la manière de”, il ne me reste que remake, je sais ce n'est pas un mot français, mais il traduit fort bien l'idée : ce n'est ni tout à fait la même ni tout à fait une autre Île au trésor.

Ceux qui lisent régulièrement Pelot savent qu'il est sans doute un des rares auteurs français à n'avoir pas de style propre (comme on parle du style de Céline ou de celui de Proust) ; en revanche il est presque le seul qui invente ou trouve le style qui correspond le mieux à l'histoire qu'il veut raconter. C'est sans doute pour cela qu'il plaît. Il n'impose qu'une histoire, un merveilleux et le cortège de mots qu'elle génère. Comme ses histoires sont celles de gens comme nous, elles nous emportent. Vous aurez compris, je suppose, qu'il est difficile de passer à côté de ce roman (le Stevenson et le Pelot en cadeau de Noël ?).

Encore un petit mot, pourquoi ne pas lancer une collection sur cette idée de remake (vous savez, l'idée déjà plus ou moins exploitée par J.L. Borges à propos de Don Quichotte) : Madame Bovary par R.C. Wagner, les États de la Lune par L. Genefort, Candide par X. Mauméjan, le Blé en herbe par C. Dufour..? On vous laissera le soin d'en imaginer d'autres.

Enfin on notera un excellent rapport qualité/prix.