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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 61 la Lumière d'Orion

Keep Watching the Skies! nº 61, décembre 2008

Valerio Evangelisti : la Lumière d'Orion

(la Luce di Orione)

roman de Science-Fiction

chronique par Éric Vial

La couverture, qui flotte entre Mucha et Druillet, annonçait aux Italiens « le retour de l'inquisiteur Eymerich ». De fait, Valerio Evangelisti s'était un peu éloigné de sa créature, parlant de Nostradamus, des États-Unis de la guerre de Sécession, du Mexique, de Rome en 1848… Ce retour méritait d'être salué, même avec quelque retard. On retrouve avec plaisir un homme que l'on continue d'adorer haïr, avec son fanatisme et ses phobies, plus le physicien déjanté Frullifer, plus les États-Unis éclatés en trois entités, plus la RACHE contrôlant une bonne part de l'Europe du Sud-Est, et jusqu'à une partie au moins de la Suisse (et dont on découvre les ramifications moyen-orientales), plus les “mosaïques” frankensteiniennes et les polyploïdes, plus les liens permanents entre l'époque médiévale et le monde actuel ou futur — même si l'essentiel du roman tourne comme il se doit autour de l'inquisiteur. On ajoutera que le thème du contact des civilisations, ou des heurts entre religion, présent depuis plusieurs volumes, le reste comme il reste dans l'actualité d'une Italie qui a aujourd'hui quelque mal à passer de pays d'émigration à pays d'immigration.

Notre inquisiteur, donc, a quelques ennuis à Gerona, part en Italie et de là fait voile vers Constantinople, quitte à se transformer en faussaire dans ce but — pour la plus grande gloire de l'Église bien entendu. Au passage, il croise et déteste le poète Pétrarque, lié à ses ennemis franciscains. Il croit mener le jeu, ce qui est fort discutable car même un manipulateur expert peut se trouver manipulé, et il est confronté à des hallucinations tout aussi redoutables que celles auxquelles ont affaire, sans le savoir, des soldats européens et américains dans un Irak occupé depuis un siècle et demi (notation qui peut d'ailleurs laisser sceptique, pour cause d'évolution trop limitée). Mais ce à quoi il a affaire est de nature assez différente. Disons qu'on est du côté de la Fantasy, dès lors que l'on admet que celle-ci inclut les mythologies, y compris chrétienne et y compris démonologique. Disons aussi qu'il est plus détective de l'étrange que jamais, et qu'on est bien dans une enquête, semée d'indices plus ou moins directement compréhensibles. Et on est plus que jamais dans un roman historique, sur fond de décadence et d'effondrement prévisible de l'Empire d'Orient. Les deux faces étant solidement liées. En dire davantage poserait tout de même quelques problèmes.

On pourra râler. Trouver qu'il y avait plus d'imagination, plus de folie, dans de précédents volumes. Que l'effet de surprise s'estompe et que des éléments au moins annexes se répètent beaucoup — mais on sait que c'est un des ressorts et un des plaisirs essentiels de la littérature populaire, et des séries. En même temps, il faudra reconnaître que le mécanisme n'a sans doute jamais été aussi bien huilé, que l'enquête n'a sans doute jamais été aussi bien maîtrisée, que le plaisir du lecteur n'a probablement jamais été aussi bien pris en compte. Il y a là de quoi attirer le public du Policier historique, s'il n'est pas réfractaire au merveilleux et à l'impossible — et l'on sait que le déplacement dans le Moyen-Âge a la vertu de faire tomber bien des préventions dans ce domaine. On ne saurait s'en plaindre. Et on ne peut que regretter le retard pris désormais par les traductions françaises. Bref, il reste à apprendre l'italien, dans un pays où l'on se dirige de plus en plus, à coup de réformes scolaires et universitaires, vers un monopole non de l'anglais, mais du globbish le plus pâteux…

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