KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Lucius Shepard : Sous des cieux étrangers

nouvelles fantastiques et de Science-Fiction réunies par Jean-Daniel Brèque & Olivier Girard, 2010

chronique par Noé Gaillard, 2010

par ailleurs :

Brèves remarques concernant l'ineffable quatrième de couverture. En France, il n'y a pas de critique littéraire de SF ; cela explique sans doute que l'on cite the Times comme référence — les Anglais aiment ; si vous n'aimez pas… — avec une phrase “douteuse” : « Lucius Shepard est sans équivalent. ». Comme truisme, on ne peut mieux. Je passerai sur « en cinq longs récits d'une implacable justesse ». En matière de SF — surtout celle de Shepard —, vous pouvez me dire ce qu'est la “justesse” ? Pour rebondir sur « une vision du monde pétrifiante de vérité » (c'est moi qui souligne). Pour le reste, allez donc voir par vous-même. J'avoue pour ma part qu'un “baratin” comme celui-là me ferait reposer le livre tellement il me donne l'impression de se moquer de moi sans humour. Heureusement, j'aime bien Shepard (Aztechs mérite amplement son Grand Prix de l'Imaginaire).

Cinq longs récits donc, dont trois inédits, c'est correct, mais on peut se demander pourquoi les recueils originaux concoctés par l'auteur ne sont pas repris comme c'était le cas au début dans les recueils constitués par le regretté Jacques Chambon. Voir la bibliographie d'Alain Sprauel en fin de volume… Remarque : sur cinq textes, quatre sont à la première personne… tant qu'à faire un recueil original, pourquoi ne pas lui ajouter une cohérence de plus ?

"Bernacle Bill le spatial" (1992) : à mon avis, le meilleur texte du recueil. Une histoire de conquête de l'espace, d'individu “anormal” doté d'une puce pour gérer son comportement social, de Bernacle de l'espace, de Religion intransigeante (c'est peut-être un pléonasme) et d'une rare violence.

"Dead Money" (2007, inédit) : une histoire de transfert de cerveau et de gestion du transféré, une histoire de poker et de truand… Les parties de poker sont intéressantes.

"Radieuse étoile verte" (2000) : une histoire de vengeance dans le milieu des affaires avec un petit cirque pour décor et un numéro de piste avec un ancien du Việt Nam qui semble sorti d'Apocalypse now ou d'un roman de Conrad. Justement récompensée d'un prix Locus.

"Limbo" (2003, inédit) : une histoire de fantômes (la seule à la troisième personne) qui, à mon sens, détonne dans ce recueil. Si on veut absolument la rattacher à l'ensemble, ce ne peut être que par le personnage masculin principal — censé être un truand —, mais il est un peu falot.

"Des Étoiles entrevues dans la pierre" (2007, inédit) : aussi marquante que "Bernacle Bill le spatial". Au moins aussi complexe. Un découvreur de talents musicaux déniche un petit génie au comportement particulier, découvre des lueurs dans le ciel (genre feu follet), renoue avec son ex-femme et retrouve son équilibre pendant qu'autour de lui le monde change un peu.

Trois textes remarquables sur cinq, c'est une bonne moyenne ; quant à savoir ce qui permet de les associer — à part le nom de l'auteur —, je me pose la question. À défaut de réponse satisfaisante, je peux vous proposer une raison de lire Shepard : c'est un auteur cultivé ; c'est-à-dire qu'il peut vous offrir un grand nombre d'éléments de comparaison et des images riches. Dans "Bernacle Bill le spatial", on trouve par exemple : « C'était un étrange spectacle, ces “langues” qui bougeaient toutes raides, par saccades, comme une mauvaise animation, comme des créatures dans un jardin extravagant, vision hallucinée d'un Hawthorne ou d'un Baudelaire. ». Vous voyez ce que je veux dire.

Bonne lecture.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 65-66, juillet 2010

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