KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Thierry Di Rollo : Crépuscules

nouvelles de Science-Fiction, 2010

chronique par Philippe Paygnard, 2011

par ailleurs :

Après Cendres, publié en 2007, Jérôme Vincent et ActuSF poursuivent la réédition des premières œuvres de Thierry Di Rollo puisque ce nouveau recueil, intitulé Crépuscules, regroupe quatre nouvelles publiées entre 1991 et 1998, ainsi que deux textes inédits écrits durant cette même période. Pour ce qui est du ton général de ce nouvel ouvrage, il est immédiatement donné par une couverture qui allie le noir et d'élégants dégradés de gris encadrant un titre de Crépuscules. En découvrant l'objet qu'est ce petit livre (par la taille, mais point pas le contenu), le lecteur potentiel sait donc d'ores et déjà que Thierry Di Rollo ne l'entraînera pas vers les terres étincelantes et exotiques d'un space opera débridé ou d'une délirante Fantasy. Cette première impression est d'ailleurs renforcée par une quatrième de couverture qui parle de « poésie du désespoir » et d'univers noirs, mais qui se conclut fort heureusement par un « la mort n'est présente que pour mieux célébrer la vie ».

Une chose est certaine, l'un des principaux intérêts de ce type d'anthologies est de présenter rapidement et efficacement l'évolution du style ou des thématiques d'un auteur. Ainsi, "Seconde mort", publiée à l'origine sous le titre "la Mort lasse" dans les Territoires de l'inquiétude 3 en 1991, est de l'aveu même de Thierry Di Rollo, dans sa rapide présentation des textes, très influencé par les consignes et les directives d'Alain Dorémieux. On retrouve pourtant dans ce texte, qu'on pourrait croire de commande, toute la puissance d'évocation de Di Rollo, qui n'a pas besoin de longues descriptions pour immerger le lecteur dans ses univers. En quelques lignes, il met en évidence la mélancolie, si ce n'est la désespérance, qui exsude de chacun de ses deux personnages principaux, une prostituée boiteuse et un homme follement amoureux d'elle, plongés au cœur d'une impossible idylle.

Thierry Di Rollo fait également montre de cette efficacité narrative dans "la Ville où la mort n'existait pas", publiée dans le 76e numéro de la revue imagine… en 1996, où, sans jamais indiquer le pourquoi et le comment des événements qu'il distille à travers son mystérieux personnage principal, il parvient à dépeindre un très étrange et visiblement éternel cycle de la mort et de la vie au cœur d'une énigmatique cité.

Deux récits entraînent le lecteur dans un lointain futur qui n'est pas plus rose que le présent. Le premier, intitulé "Éléphants bleus" et précédemment publié dans Galaxies, nº 7, en 1997, permet de découvrir un duo d'enquêteurs, un humain et un androïde, essayant d'élucider plusieurs morts suspectes survenues sur une colonie minière. Même si l'on pense forcément à Isaac Asimov en lisant ce texte, Thierry Di Rollo parvient instantanément à imposer ses codes et sa douce noirceur. Et c'est dans un univers très proche que se situe "Hippo !", nouvelle parue à l'origine dans l'anthologie Escales sur l'horizon en 1998, dont la thématique est le clonage et la modification d'animaux, ici des hippopotames, pour remplacer machines et ouvriers à la recherche de minéraux devenus rares. Deux textes qui, avec le recul, peuvent se lire comme les fondations de l'un des premiers romans de Thierry Di Rollo, la Profondeur des tombes, publié par le Bélial’ en 2003.

Texte inédit, "un Dernier sourire" détonne un peu au milieu de ce recueil plutôt sombre. Non pas qu'il s'agisse d'un récit optimiste ou franchement guilleret, puisqu'il parle violence et SIDA, mais plutôt parce que Thierry Di Rollo le mène à cent à l'heure jusqu'à un retournement plutôt inattendu.

Crépuscules se clôt sur l'une des nouvelles les plus dures, mais certainement la plus fascinante de ce recueil mêlant, sous le titre "le Crépuscule des dieux", amour platonique et sacrifice christique dans une ambiance apocalyptique.

À travers ce second recueil de nouvelles, le lecteur a l'opportunité de découvrir ou de redécouvrir un auteur qui, au fil des nouvelles et des romans, construit une œuvre au style personnel, et dont l'imaginaire et la qualité d'écriture lui permettent désormais d'explorer d'autres univers, comme récemment la Fantasy avec Bankgreen édité par le Bélial’, ou le polar tendance politique-fiction avec Préparer l'enfer publié dans la "Série noire" des éditions Gallimard.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 69, juin 2011

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