KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Ursula K. Le Guin : Lavinia

(Lavinia, 2008)

roman de Fantasy historique

chronique par Noé Gaillard, 2011

par ailleurs :

Il y a fort longtemps, j'ai fait un peu de latin et cela me plaisait bien. Hélas ! d'autres matières m'en ont éloigné. Je ne sais même plus si l'on étudie encore aujourd'hui le grand Virgile. Non qu'il faille l'avoir lu pour apprécier à sa juste valeur ce roman d'Ursula K. Le Guin, qui a obtenu le Prix Locus en 2009, mais peut-être tout simplement parce que son Énéide c'est de la bonne littérature. (J'en ai relu un peu dans la traduction de Maurice Rat en Garnier-Flammarion ; les notes sont aussi une mine). Et c'est le fondement d'une grande partie de notre littérature.

Je vous raconte tout cela, mais je ne sais même pas si l'on peut faire entrer ce roman dans le genre qui nous intéresse. Je ne sais si le biais utilisé par l'auteur pour écrire l'histoire de Lavinia relève du Fantastique ou de la SF.

Ursula — si vous permettez que je l'appelle ainsi — imagine que Lavinia, son héroïne, connaît l'avenir d'Énée parce qu'elle a rencontré le poète qui a écrit l'Énéide. (Lavinia n'est qu'un nom, une silhouette dans le texte de Virgile). Le Guin lui prête vie, consistance et en profite pour présenter la vie des Latins, des Italiens avant la fondation de Rome. Ayant regoûté à Virgile, j'ai eu par moments l'impression que Le Guin s'essayait à écrire comme le poète ; en tout cas, elle traite des Latins en ethnologue qui connaît son sujet. À tel point que, par instants, on a le sentiment que la traduction passe un peu à côté des “Pénates” et autres dieux lares que le Troyen vaincu a emporté avec lui, à côté du style Le Guin.

Je ne saurais trop vous recommander ce roman qui montre s'il en était encore besoin l'originalité de Le Guin et cette “facilité” avec laquelle elle émeut, raconte une histoire et instruit. C'est dire qu'elle n'est pas seulement une raconteuse qui sait plaire. Sa vision du monde latin par une femme présente un monde d'homme où les femmes, les déesses, ont une importance capitale. Lavinia, qui sait, ne joue pas les Cassandre ; elle se contente de subir le sort de l'épouse d'Énée et d'analyser son rôle de femme. Ne vous attendez pas à du mouvementé — quoique — ; “écoutez” plutôt comment Ursula distille ce que j'ai ressenti comme la tristesse, la solitude du personnage.

Un roman pour adulte qui donne à penser et jette un trouble certain.

Comme tous les Le Guin, à ne pas rater. (PS : vous avez échappé au fait qu'Énée fait une tirade.)

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 69, juin 2011

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