KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Tom Piccirilli : Short ride to nowhere

court roman policier inédit en français, 2010

chronique par Jérôme Charlet, 2012

par ailleurs :

Tom Piccirilli suit une trajectoire bien à lui, et tout à fait logique, depuis quelques années. Ayant commencé dans l'Horreur, il a séjourné quelque temps dans le Fantastique. Mais un Fantastique très borderline, comme dans un Chœur d'enfants maudits ou la Rédemption du Marchand de sable, où l'appel à l'irrationnel n'est qu'à peine esquissé. Et le voilà maintenant profondément ancré dans le thriller, hard boiled et grinçant, qui appuie exactement à l'endroit où l'Homme ― et la société avec lui ― a mal.

L'une des très belles preuves de cette dernière façon a pour nom Short ride to nowhere, une novella parue directement en version électronique, chez Crossroad Press (devenu depuis, plutôt, Macabre Ink Digital).

L'histoire tourne autour de deux paumés, Jenks et Hale, deux personnes qui, comme beaucoup dans notre société actuelle, peu à peu, ont tout perdu : leur boulot, leur maison, leur famille… Ils ne sont pas vraiment amis (et même, à peine se sont-ils croisés), mais, peu ou prou, à quelques semaines d'intervalle, ils suivent presque exactement le même chemin de croix : tout ce qui arrive à Hale arrivera aussi, tôt ou tard, à Jenks…

Alors, quand Hale est retrouvé par les flics, inanimé, à côté du corps sans vie d'une petite fille de neuf ans, et quand, conduit dans un hôpital psychiatrique, Hale finit par se suicider, Jenks n'a plus qu'une seule idée en tête : comprendre. Comprendre comment Hale en est arrivé là. Comprendre qui est cette petite fille morte. Comprendre, réellement, ce qui a bien pu se passer, au-delà de la thèse officielle de la ville et des flics (thèse qui relève plus du fait divers sordide que de l'enquête de police sérieuse).

Jenks doit comprendre pour ne pas en passer par là.

Cette novella est un excellent texte noir, dans la lignée de ce que Tom Piccirilli a fait de mieux. Réelle chute en avant d'un personnage bouffé par la vie, et obnubilé par une quête qui occupe le moindre recoin de sa vie, la trajectoire de Jenks est comme celle d'Eddie Whitt (dans la Rédemption du Marchand de sable, qui veut retrouver le serial killer ayant tué sa petite fille), celle de Shad Jenkins (dans November mourns, qui, sortant tout juste de prison, apprend que sa sœur a été assassinée, et que l'enquête a été classée sans suite), celle de Flynn (dans the Midnight road, hanté par la figure de son frère et dont l'ombre tutélaire pèse sur la moindre de ses actions d'adulte) ou celle encore… de tous les autres.

Leur trajectoire de vie est absolue et définitive.

Et en cela, ce (relativement) court texte est assez représentatif de l'art de Tom Piccirilli : une écriture efficace et de très grande qualité, une capacité incroyable à rendre le moindre personnage réellement vivant (et ne sentant en aucune façon le carton-pâte ou la psychologie de bazar), et surtout, une manière incroyable et bien à lui d'enchaîner le lecteur au personnage principal avant de les balancer tous les deux dans le vide…

Comme pour (presque) tous les textes de Tom Piccirilli, il n'y a pas à hésiter !

Jérôme Charlet → Keep Watching the Skies!, nº 71, octobre 2012

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