KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Larry Niven ; Jerry Pournelle : la Paille dans l'Œil de Dieu

(the Mote in God's Eye, 1974)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Paygnard, 2012

par ailleurs :

Croiseur de la flotte spatiale du Second Empire de l'Homme, le MacArthur retourne vers son port d'attache après avoir participé à l'expédition militaire ayant définitivement maté les velléités sécessionnistes de la planète Néo-Chicago. Cependant, avant d'atteindre son but, le capitaine Roderick Blaine reçoit l'ordre de dérouter son navire afin d'intercepter une sonde d'origine inconnue et très certainement non-humaine. Cette mission est d'autant plus importante que, malgré les nombreux voyages d'exploration menés à travers la galaxie, jamais l'être humain n'a eu, jusqu'à ce jour, de contact avec une civilisation extraterrestre.

Publié aux États-Unis en 1974,(1) la Paille dans l'Œil de Dieu débute comme un très classique space opera. Ayant essaimé à travers la galaxie, colonisant de nombreux mondes, la civilisation humaine a ainsi fait le choix d'une organisation impériale afin de maintenir une certaine cohésion et ce sont donc des militaires qui vont à la rencontre de cette culture étrangère et non-humaine au cœur du système de la Paille. La presque totalité des hommes participant à cette mission d'exploration dans un espace inconnu appartient donc à la Marine Spatiale Impériale, membres de l'équipage du MacArthur auxquels se joignent néanmoins plusieurs scientifiques.

Cependant, au fil de la lecture, le roman de Larry Niven et Jerry Pournelle dépasse bientôt les limites du simple récit de Science-Fiction militariste et belliciste. Il présente en effet toute une série de personnages profondément humains qui, dans les limites autorisées par la hiérarchie militaire ou scientifique, cherchent à participer à la compréhension de la civilisation extraterrestre qu'ils découvrent. Il n'y a guère de stéréotypes au sein de cette expédition, si ce n'est un ministre des sciences naïvement optimiste ou un amiral prêt à démontrer la toute-puissance de l'armement de son puissant vaisseau de guerre face aux extraterrestres du système de la Paille, deux attitudes extrêmes qui d'une certaine manière fixent les limites de la gamme des réactions humaines vis-à-vis de l'inconnu. On peut également regretter que ce roman, publié après la révolution sexuelle des années 60, n'accorde qu'un rôle extrêmement limité aux femmes représentées par la seule Sally Fowler, anthropologue, qui, au surplus, termine l'aventure en tant que future épouse du capitaine Blaine.

Alliant une bonne dose d'action à une proportion non négligeable de réflexion, la Paille dans l'Œil de Dieu permet de découvrir une civilisation extraterrestre qui, pour une fois, n'apparaît pas comme instantanément belliqueuse et n'est pas forcément composée de créatures insectoïdes ou de monstres aux yeux globuleux. Ainsi, malgré une apparence définitivement non-humaine et un obscur système de castes, les Pailleux que rencontre l'équipage du MacArthur font preuve d'une intelligence supérieure à celle de leurs visiteurs, apprenant rapidement leur langage et s'intéressant tout particulièrement aux mœurs des humains. Il se noue alors un véritable dialogue entre les deux espèces physiquement et intellectuellement très différentes, qui se caractérise par de lourds secrets et de pieux mensonges, chacun des deux camps cherchant en priorité à préserver ses propres intérêts.

Mêlant exploration spatiale et diplomatie interstellaire, la Paille dans l'Œil de Dieu est un véritable petit chef-d'œuvre de Science-Fiction qui se révèle fort divertissant, mais invite également, sans avoir l'air d'y toucher, à une réflexion plus profonde.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 71, octobre 2012


  1. Traduit en 1981 et réédité en 2007 et ici dans une traduction d'Éric Cowen révisée par Pierre-Paul Durastanti.

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