KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Kim Newman : Anno Dracula

(Anno Dracula, 1992)

roman de Fantasy

chronique par Noé Gaillard, 2013

par ailleurs :

Cette édition, parue en Grande-Bretagne en 2011, est augmentée par rapport à celle de 1992. Disons-le tout net, voilà un livre à siroter, à déguster avec la lenteur et l'attention nécessaires pour en percevoir l'intelligence et la subtilité. Avant de laisser des esprits chagrins m'opposer un refus des remakes et des copies, je tiens à signaler que Kim Newman est en la matière un récidiviste — cherchez dans sa biblio, hélas absente de ce livre —, qu'il maîtrise assez bien le procédé et n'y voit aucun mal.

« Anno Dracula est un roman littéralement vampirique, au sens où il s'est nourri d'autres œuvres de fiction (et tout particulièrement du Dracula de Bram Stoker) pour prendre vie… » Et vous devez bien vous douter que pour qu'un livre qui vampirise un classique soit un succès, il lui faut aussi devenir intéressant, contenir un sang neuf, revigorant. On sait combien sont exigeants les lecteurs attachés à un genre et les admirateurs des pièces maîtresses ou fondatrices dudit genre. J'ai personnellement trouvé trois raisons d'apprécier fortement ce roman. La première, la plus évidente, est le rendu de l'ambiance de Londres à l'époque de l'action : on s'y croirait. La deuxième est la présence de deux personnages fort réussis : Charles Beauregard d'une part mais surtout d'autre part Geneviève Dieudonné, vampire de lignée occidentale à la personnalité exceptionnelle et très travaillée par l'auteur… Enfin dernier point qui explique l'aspect personnel de cette remarque, le name dropping dont l'auteur use et abuse toujours à propos. Vous me direz qu'il est normal de parler d'Oscar Wilde, de Bram Stoker ou de Sherlock Holmes quand l'action se déroule dans le Londres de leur temps. Mais il est un peu moins évident de mêler personnages de fiction et personnes ayant existé. Il me semble qu'il est agréable au lecteur de reconnaître au fil du roman un nom qu'il connaît ou croit connaître (ainsi la Beatrice Potter citée n'est peut-être pas la Beatrix Potter que l'on croit), cela lui donne un sentiment de complicité avec l'auteur. Et ce dernier peut ainsi préciser :

« Il en résulte un petit côté hyperréférencé que certains lecteurs trouvent énervant, mais que d'autres apprécient beaucoup. Pour ma part, je dois admettre éprouver un petit frisson de plaisir chaque fois qu'il m'arrive d'emprunter un personnage à E.M. Forster ou de tirer de l'oubli quelqu'un comme le Dr. Nikola. Ce parti-pris me permet également de faire du roman un hybride de cour de récréation et de champ de mines, et de transcender l'exactitude historique pour mieux évoquer, à la lueur diffuse des becs de gaz, cette Londres romanesque noyée dans le fog. »

Une citation un peu longue, mais tellement intéressante.

Plongez dans le brouillard et faites bon voyage.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 72, août 2013

Commentaires

Ajouter un commentaire

Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.