KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Frank M. Robinson : Destination ténèbres

(the Dark beyond the stars, 1991)

roman de Science-Fiction

chronique par Noé Gaillard, 2015

par ailleurs :

Il se peut sans doute que le premier roman de cet auteur publié en France, le Pouvoir, vous soit resté inaperçu. Il ne me semble pas avoir bénéficié à sa sortie d'une publicité notoire. Et certains avaient pu le trouver assez plat. Or vous ne devez en aucun cas rater l'édition poche de ce Destination ténèbres même si un coup d'œil aux mentions légales vous indique qu'il date de 1991 en édition originale et de 2011 en version française.

D'une part c'est une preuve de qualité — pour un livre — que de bien vieillir, et d'autre part vous y trouverez au moins deux grands thèmes SF. Le premier est “Sommes-nous seuls dans l'univers ?”, sous-entendu : y a-t-il des extraterrestres ? Des planètes abritant de la vie ? Imaginez une Terre sur le déclin envoyant dans l'espace un engin explorateur, à la recherche de planètes à habiter et désireuse de trouver des extras… Avec un système de capsules de survie permettant le renouvellement de l'équipage et un capitaine de navire partagé entre sa mission et son désir. Sa mission : passer la main à un autre capitaine pour revenir vers la Terre ; son désir : continuer à chercher les extraterrestres, c'est-à-dire faire franchir au vaisseau une zone de “ténèbres”. C'est bien sûr sans compter sur l'équipage. Le second thème est donc l'Arche stellaire et les problèmes posés par la survie de son équipage. Le vaisseau autosuffisant se dégrade progressivement et l'équipage se partage entre anciens et “nouveaux”, entre partisans du capitaine et leurs opposants qui refusent de le suivre dans son délire, d'où mutinerie. Et là plutôt que de penser à Moby Dick comme le suggère la quatrième de couverture, on penchera du côté des Révoltés du ‘Bounty’. Enfin, on se refusera à s'abandonner au simple plaisir de la lecture pour aborder un thème sous-jacent et à mon sens récurrent chez cet auteur, celui de l'identité. Le héros ici s'appelle Moineau ; il a perdu la mémoire à la suite d'un accident et il passe beaucoup de temps à essayer de comprendre-découvrir qui il est. Le capitaine, lui, est partagé entre ce qu'il est (un produit de la médecine assigné à une mission) et ce qu'il veut (devenir “lui-même”). Voilà pour l'essentiel, auquel il faut ajouter tout un foisonnement de notions, d'idées, de touches particulières qui rendent ce roman particulièrement riche et dense. On notera par exemple que tous les personnages exceptés les deux capitaines ne portent qu'un seul nom : Moineau, Noé, Tybald, etc. ; cela traduit le rapport social, et on peut réfléchir au choix de ces prénoms.

Pour finir, et j'espère accroître votre envie de lire ce roman, je me permettrai une citation : « Quand un nouveau-né vous regarde, il semble bien plus vieux qu'il n'est, il semble plein de sagesse, comme s'il connaissait un secret de la première importance. Malheureusement, lorsqu'il apprend à parler, il a oublié ce qu'il aurait voulu dire après être venu au monde. ».

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 75, mai 2015

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