KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

China Miéville : Merfer

(Railsea, 2012)

roman de Science-Fiction

chronique par Noé Gaillard, 2017

par ailleurs :

Je suppose que vous savez que je suis un fervent admirateur de China Miéville, dont je lis les productions depuis le début. Un seul de ses romans n'a pas trouvé à mes yeux la grâce, la force et l'originalité qui organisent les autres : il s'agit du Roi des rats (son premier).

Et des rats, il en est question ici comme des trains (voir le Concile de fer) mais nous ne sommes pas dans les mêmes univers. Car la première des particularités de Miéville est de construire des mondes cohérents… des micros-univers sans faille. Là, nous sommes sur une planète sans trop d'eau mais avec deux sortes de sol : un dur que l'on peut habiter, et un autre souple, friable dans lequel vivent les rats sauvages et les taupes géantes et sur lequel s'étend à perte de vue la Merfer, vaste assemblage de rails et de traverses qui relie et sépare les “îlots” habités… Une caste d'anges est censée entretenir les aiguillages. Sham, jeune orphelin dont les deux cousins semblent s'être débarrassés, est embarqué à bord du Mèdes comme “aide-soignant”. Le Mèdes est un train taupier, dont la capitaine Picbaie est obsédée par une taupe albinos qui lui a emporté le bras. Rassurez-vous si cela vous rappelle quelque chose, Miéville n'oublie pas de remercier Herman Melville. Sham, qui est à la bonne taille pour franchir les passages les plus étroits, pénètre dans une épave et récupère un DVD et une morsure de rat. Le DVD contient des images qui vont le bouleverser et lui faire accomplir une dangereuse quête.

Découverte du monde et découverte de soi se conjuguent dans l'apprentissage du regard des autres. On notera la présence d'illustrations réussies signées de l'auteur.

Ils ne sont pas remerciés par l'auteur mais leurs univers ont des points de contact avec le sien : Jacques Prévert (la Pêche à la baleine), G.-J. Arnaud (la Compagnie des glaces), Robert V.S. Redick… et bien sûr Ray Bradbury.

Bien entendu, les amateurs de Miéville pourront s'étonner, s'inquiéter d'avoir toujours l'impression de lire plus ou moins la même histoire dans un décor, un univers changeant. Je pense qu'ils auraient tort. On sait que les histoires que racontent les auteurs sont sensiblement bâties sur le même modèle.(1) Ce qui compte, c'est bien l'emballage de l'histoire, sa cohérence, sa crédibilité, or sur ce plan Miéville est à chaque fois irréprochable.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 79, janvier 2017

Une version sensiblement différente de cette chronique est parue sur le site Daily Passions!.


  1. Cf. Vladimir Propp : Morphologie du conte (1928).

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