KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Stephen King : le Bazar des mauvais rêves

(the Bazaar of bad dreams, 2015)

nouvelles fantastiques et de Science-Fiction

chronique par Philippe Paygnard, 2017

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Ce n'est un secret pour personne, Stephen King est un auteur qui apprécie les longues distances et dont les fidèles lecteurs aiment à se laisser porter au gré de ses romans-fleuves. S'il est parfois moins convaincant sur le format court de la nouvelle, c'est essentiellement parce qu'il n'a pas le temps d'y développer tout à la fois des personnages excessivement humains, comme dans ses romans, et un sujet original. Ce préambule confirme que le Bazar des mauvais rêves, qu'il ne faut pas confondre avec le roman Bazaar (Needful things, 1991), est un nouveau recueil de nouvelles du maître incontesté de l'horreur. Ce ne sont pas moins de vingt textes, dont certains ont déjà fait l'objet d'une publication, mais d'autres sont totalement inédits, qui sont proposés ici. Cerise sur le gâteau pour les amateurs du romancier du Maine, chaque récit est précédé par une présentation. Ces introductions écrites par Stephen King font penser aux commentaires audio de certains films où les acteurs, réalisateurs et techniciens livrent souvenirs et secrets de fabrication. Si certaines sont anecdotiques, d'autres permettent de mieux appréhender le pourquoi et le comment de la naissance de ces nouvelles.

"Mile 81" ouvre en beauté ce Bazar des mauvais rêves car c'est un texte où Stephen King fait du Stephen King avec une évidente jubilation. On retrouve dans cette nouvelle quelques-uns des personnages et thèmes préférés du romancier. Pete, Rachel et Blackie font ainsi penser aux enfants-héros du Club des paumés de Ça (1986). Le break boueux qui se gare près de la station-service du Mile 81 est aussi mortel que Christine (1983), même si son origine renvoie plutôt aux Tommyknockers (1987). Et il ne faut pas oublier ce petit clin d'œil à son fils, Joe Hill, à travers la BD Locke & Key qui traîne au fond de la sacoche de Pete, avec quelques Oreo Double Épaisseur et une loupe Richforth.

Le Bazar des mauvais rêves est un joyeux fourre-tout où l'on trouve longues nouvelles et courts récits, prose et poésie, abordant des thèmes empruntés au quotidien (vieillesse, Alzheimer, fait divers), mais également au Fantastique et à la Science-Fiction (clairvoyance, paradoxe temporel, fin du monde). Le seul point commun à tous ces textes est bien évidemment la signature de l'auteur, Stephen King. Mais, au-delà de ce paraphe remarquable, on retrouve dans chacune de ces histoires le même soin apporté à la création de personnages éminemment humains, qu'il s'agisse du gamin de "Mile 81" ou du shérif d'"une Mort".

On croise également quelques figures aisément reconnaissables de l'univers kingien avec le petit professeur qui espère écrire le livre de sa vie que l'on aperçoit dans "Morale" ou cet autre enseignant qui, un peu comme le Jake Epping de 22/11/63 (2011), tente de modifier la trame temporelle dans "Ur".

L'un des textes les plus forts de ce recueil est très certainement "le Petit dieu vert de l'agonie", récit cathartique où Stephen King livre une réflexion sur la douleur qu'il a bien connue après son accident survenu en 1999. Cette nouvelle rivalise avec "le Tonnerre en été", une chronique intimiste d'une fin du monde à trois personnages, deux hommes et un chien, que l'on pourrait situer dans la droite ligne du roman Sur la plage/le Dernier rivage (1957) de l'auteur britannique Nevil Shute.

Ce Bazar des mauvais rêves porte bien son nom car, pour la partie “mauvais rêves” du titre, plus d'une histoire proposée ici peut entraîner insomnie ou cauchemar. Le “bazar” est aussi présent avec des nouvelles inégales en taille et en intensité, mais où chacun peut trouver son bonheur et découvrir le petit bijou caché (ou pas) au fin fond du Bazar.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 80, juillet 2017

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