Robert Holdstock : la Forêt des mythimages
(Mythago wood, 1984)
roman de Fantasy par nouvelles
- par ailleurs :
Décidément, la collection "Fictions" à la Découverte nous offre de subtiles surprises, comme ce roman d'un Britannique inconnu, auteur de plus de vingt ouvrages. Une atmosphère à la Hauts de Hurle-Vent, un décor manière Caspar David Friedrich, des conflits d'une hauteur Shakespearienne, telles sont les vertus de la Forêt des mythimages, dont le thème onirique s'avère en outre si rigoureusement original qu'on souhaiterait ne jamais s'en éveiller.
Steven Huxley, blessé de guerre, retourne dans sa propriété d'Oak Lodge après une longue convalescence. Son père y a connu une mort mystérieuse. Son frère, qu'il y retrouve, semble rongé par de singulières obsessions. La forêt de Ryhope est là, toute proche, sylve primitive qu'aucun assaut humain n'est parvenu à réduire. Certains de ses arbres sont plus vieux que la Terre elle-même. Pourquoi n'auraient-ils pas le pouvoir de catalyser l'inconscient collectif de l'Humanité et de produire des poltergeister issus des mythes préceltiques ? Des mythagos comme l'écrit le traducteur et non des mythimages comme titre l'éditeur.
À l'imitation de Robert Holdstock, je n'hésite pas à vous livrer les clefs principales de l'œuvre. Son récit n'emprunte pas les formes classiques du suspense. L'énigme révélée d'emblée provoque d'abord une impression d'engourdissement. Peu à peu, le charme sylvestre opère, la magie s'installe, l'enchantement se poursuit jusqu'au terme de cette épopée à quatre personnages : le héros, le père, le frère, l'amante. Car, au-delà de son incomparable construction spéculative, l'auteur de la Forêt des mythimages brode intelligemment des thèmes freudiens sur ces contes celtiques, définissant ainsi une véritable stratégie du terrorisme familial à travers les millénaires.
Steven Huxley s'enfonce alors au cœur de sa propre légende que créent à mesure les mythagos de la forêt, eux-mêmes issus de l'imagination de son père et de son frère. Celle-ci s'écrit en même temps qu'il agit. Mais comment se terminera le songe, qui en déterminera la fin ? Le monstrueux Urscumug, dont le symbole remonte à l'origine des temps, ou bien la rousse sylphide Guiwenneth, qu'inventèrent, qu'aimèrent, qu'aiment et qu'aimeront passionnément les trois hommes ?
Sublime Guiwenneth que vous aimerez aussi pour son âcre odeur de sève, de sueur et de boue. Odeurs qui vous embarqueront vers la source des mythes. Elle coule souvent des premières songeries d'une enfance en forêt.