Pierre K. Rey : l'Assassin habite au xxie siècle
anthologie de polar-SF, 1987
- par ailleurs :
Ce n'est pas dans un pur accès de mégalomanie que je cherche à envahir la rubrique contiguë.(1) Depuis longtemps, les auteurs de SF ont tâté du polar et réciproquement. Quand ce ne furent pas, à l'instar de Fredric Brown, un réflexe ambidextre qui équilibra leur santé. Il y a, en effet, du gaucher contrarié à vouloir sortir d'un genre. Quoi de plus satisfaisant pour John D. MacDonald, par exemple, d'écrire le Vin des rêveurs après un chef-d'œuvre comme les Énergumènes ? Simplement pour prouver que Polar ou SF ne sont qu'un avatar de son talent protéiforme. Qu'il écrit, en somme, et que la manière ou le genre empruntés ne sont qu'un espace d'inspiration. S'adonner aux littératures dites marginales n'est pas plus condamnable que d'avoir été d'avant-garde. Tout au plus, peut-on dire que ces modes d'expression ont été desservis auprès de l'intelligentsia par leur exploitation commerciale. Aussi n'est-ce pas sans machiavélisme qu'un auteur de SF se débauche dans le Polar et réciproquement, versant d'un sous-genre dans l'autre avec l'orgueil du travailleur immigré.
Pierre K. Rey a saisi l'occasion d'exposer les fruits de ce mariage blanc, élémentaire-mon-cher-Watson, dans la quatrième anthologie thématique qu'il sort chez Londreys. G.J. Arnaud, dans sa postface, exprime avec subtilité pourquoi la tentation d'exploiter les deux genres, comme Jérôme et Jean, taraude.
Avec un petit plus, c'est qu'il s'agit ici de la greffe organique de la SF et du Polar sur une table d'opération. D'où sortent des hybrides fort divers et divertissants. Comme dans tout métissage, les gènes de l'un ou de l'autre triomphent ou se combinent. Les plus jeunes écrivains, comme James. P. Hogan, Joel Richards et Bob Shaw appliquent le système légèrement anesthésique de l'enquête classique à de brillants thèmes de SF. Edward Wellen et Gordon R. Dickson soumettent non sans humour l'enquête classique à la logique de l'absurde chère à la SF du style Galaxy. Versant "Série noire", Malzberg, Ellison, MacLean et Young s'inquiètent surtout des problèmes d'écriture que pose le mélange des genres. Kewin O'Donnell, Jr., enfin, obtient un joyau d'équilibre avec "Poste de nuit", terrifiante conclusion de cette anthologie dont nous attendons une nombreuse progéniture. Comme nous attendons d'un cocktail une ivresse plus intense et plus forte que celle occasionnée par chacun des alcools qui le composent.
- La chronique Polar d'Alexandre Lous publiée conjointement par le Magazine littéraire. — Note de Quarante-Deux.↑