Michael Swanwick : les Fleurs du vide
(Vacuum flowers, 1987)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
L'esprit du feuilleton n'est pas mort. Il survit sporadiquement à travers la SF. En particulier chez certains jeunes intellectuels américains qui n'hésitent pas à écrire leurs romans comme si un public haletant attendait l'épisode suivant dans leur quotidien du matin. Michael Swanwick en est le plus pur exemple. Atteint dès son âge tendre par une boulimie d'images probablement due à une overdose de Science-Fiction, il se lance dans son second roman, les Fleurs du vide, à travers un exercice d'équilibriste narratif qui laisse pantois d'abord, puis songeur, enfin tout à fait assoiffé de connaître par quel biais il va se tirer de son récit hypertrophié. Pour vous situer l'action, car personne pas même l'auteur ne serait susceptible de la résumer, disons qu'une certaine Rebelle Elizabeth Gavroche (sic) s'aperçoit, en se réveillant, qu'elle est déjà morte sous une autre identité et que son corps appartient à la Deutsche Nakasone GmbH. Prétexte : sa personnalité de pique-rôle est vendable à tous ceux qui n'en ont pas, grâce au traitement par flugiciel. Nous sommes à une période de l'Histoire où l'Humanité a essaimé à travers le Système solaire, créant des civilisations originales sur de petits satellites. Les habitants de la Terre/mère sont soumis à un collectivisme du genre : où il y a du zen, il n'y a pas de plaisir, auquel ils cherchent à convertir, au besoin par la soumission, l'ensemble du genre humain.
Estimant ces données trop simples sans doute, Swanwick s'embarque alors dans une série de séquences dignes des Mille et une nuits revues par Tex Avery où chaque idée qui lui passe par la tête est exploitée sur le champ pour désorganiser le récit. Cela n'incite ni à la psychologie ni à la rigueur, mais aux débordements oniriques, au foisonnement visuel. Rendons-lui cette justice, l'imagination ne lui manque pas. Et s'il exploite sur le fond une multitude de thèmes chers aux générations actuelles, comme le transfert informatique d'ego, la fusion être-machine, la quête de l'identité, la liberté inconditionnelle des sens, son esprit protéiforme et proliférant sait leur conférer souvent une dynamique digne du compact disc. C'est donc un plaisir de savourer cette succession de fondus enchaînés où le technicien laisse persister longtemps l'image antérieure avec la visible intention de perturber l'équilibre du lecteur. Avec, aussi, une note d'humour en plus, car si vous ne cédez pas à la fatigue neuronale et poursuivez cette odyssée échevelée jusqu'à son terme, vous saurez comment Cendrillon s'est emparée du Bel au bois dormant.