Mike McQuay : Mémoire
(Memories, 1987)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
L'adrénaline est un excellent adjuvant à la lecture, sauf en cas de glaucome qui diminue l'acuité visuelle. Elle imprime au mouvement des neurones une surexcitation favorable au décollage mental. C'est pourquoi un livre comme Mémoire de Mike McQuay est recommandable aux amateurs d'exaspérations littéraires. D'ailleurs, l'auteur le confirme : « Dans un monde tenu en cohésion par la routine, la chimie assure l'unique liberté de création. »
. À une époque si lointaine de l'avenir qu'il est inutile de l'évoquer ici, Silv a découvert une drogue qui lui permet de voyager dans le temps à travers les consciences. Malheureusement, pour cobaye, elle a choisi un dangereux psychopathe, son contemporain le soldat Hersch, qui s'est installé dans l'esprit de Bonaparte à l'époque des siècles qui vous contemplent du haut de ces pyramides. Silv choisit alors comme hôte provisoire un psychiatre mal dans sa peau, David Wolf, habitant du vingtième siècle, pour analyser sur place son militaire fou et l'empêcher de contrarier l'Histoire.
Tous les ingrédients d'un passionnant suspense de SF névrotique sont réunis dans les cent premières pages pour faire de ce livre une œuvre fortement originale. Suivent 5400 lignes où l'auteur, pris de frénésie historique, nous conte scrupuleusement la vie de Napoléon. La tension artérielle monte à mesure que l'intérêt décroît. Au bord de l'exaspération, je m'apprête à poser le roman sur la pile d'invendus… Heureusement, David Wolf, qui a des problèmes personnels, revient dans son siècle, remonte aux sources de son enfance pour voir son père copuler avec sa mère. Plus tard, il poussera plus loin le vice en s'insérant dans le système nerveux paternel jusqu'au seuil de l'orgasme. Mais je vous laisse découvrir les suites de cet excellent mélo freudien digne des Infortunes de la vertu revu par Eugène Sue.
Car l'exaspération entraîne bientôt l'énergie : à force d'accumuler des pages, Mike McQuay se libère, vole dans toutes les directions du temps où ses héros amoureux s'ingénient à se fuir, s'insurge sur la brièveté des amours, s'interroge sur le sens des passions éternelles. Silv et David cherchent à travers les personnages dont ils investissent l'existence le fil conducteur qui les amènerait à se découvrir vraiment nus, face à face, l'un à l'autre. Mais ils s'usent à se rencontrer derrière des masques jusqu'à perdre la mémoire de leur identité véritable.
« Dieu, qu'on me lobotomise et qu'on mette fin à ce cauchemar. »
s'écriera l'un des héros une fois qu'il aura exploré jusqu'à la trame sa tapisserie de Pénélope d'après un carton de Science-Fiction. Bref, dans Mémoire, l'intuition, l'humour et le talent, s'allient au naïf, au conventionnel et au besogneux avec tant de complexité qu'il en ressort un roman qui mène au bord du stress. Mais c'est si bon de temps en temps.