Jonathan Carroll : le Pays du fou rire
(the Land of laughs, 1980)
roman de Fantasy
- par ailleurs :
Des piles de “Poche” envahissent mon bureau soudain plein comme une cabine des Marx Brothers. État d'urgence ! Évacuons ce trop-plein par la lecture. En matière de SF, le “Poche” est souvent inédit, d'où l'avantage de possibles découvertes. Par exemple, l'extravagant Pays du fou rire de Jonathan Carroll. Première énigme, le texte de présentation nous apprend que cet auteur inconnu, puisant aux sources de la fable et du mythe, se placerait parmi les meilleurs du genre. Voire !
Certes, du fabuliste il a la plume drolatique, crée l'image qui fait tilt, possède le sens du récit à l'emporte-pièce d'artillerie légère ; bref, Jonathan Carroll ignore l'art d'ennuyer. À cela s'ajoute un goût du suspense spécifique car, jusqu'à la page 212 où le chien Piolet murmure en dormant : « Les poils, tout est là. Respirer à travers les poils. », le lecteur se demande vraiment pourquoi ce livre paraît sous le label "Science-Fiction". Rassuré enfin, il sait que Carroll œuvre dans la “Fantaisie”, genre ignoré en France et pourtant illustré à merveille par Pierre Véry, Marcel Aymé, Jacques Perret, Boris Vian, etc. Voilà pour la forme. Quant au thème, s'il apparaît de prime abord comme classique (l'écrivain peuplant la réalité de ses créatures), il se complique subtilement : le héros, Thomas Abbey, universitaire épuisé, rêve d'établir la biographie idéale du maître écrivain de ses enchantements d'enfance, Marshall France. Mais il est lui-même le fils d'une star mythique, Stephen Abbey, dont le visage évoque aussi bien Humphrey Bogart que Clark Gable. D'où quiproquos savoureux entre film, fable et mythe, mythe et chien, chien et loup, louée soit l'imagination !